Evasion calculée | feat Kyanos

Evasion calculée ___ Kyanos & Versace La brise soufflait légèrement dehors. Il était encore tôt. Le ciel d'Azuola semblait être couvert d'une mousse vert tendre nuancé d'un bleu azur qui laissait pointer les rayons faibles d'un soleil encore quelque peu endormi. Mais sa timidité s'évanouirait d'ici quelques heures pour déployer sa chaleur universelle sur la peau de ses habitants et de tous les êtres vivants qui composaient cet univers. Le temps ici, n'était pas plus inhabituel que celui du monde extérieur. Parfois, une slave de pluie torrentielle se déversait rageusement comme pour signer la colère d'un atmosphère lourd qui éclatait sur des orages grondants. Parfois, les nuages se contentaient d'être gris, comme s'ils étaient d'humeur maussade sur une température plutôt froide. Parfois encore, l'astre solaire brillait de mille feux pour prodiguer une chaleur étouffante sur des jours d'été. La seule différence était que les saisons n'existaient pas. La météo se profilait selon ses caprices et les besoins de ce refuge dont la nature se faisait littéralement la maîtresse. Versace faisait quelques pas dans ce jardin fleuri qui faisait la fierté de l'Ordre. Il était immense et s'étirait sur des kilomètres à la ronde. Emeline y tenait particulièrement. Alors des esclaves se chargeaient de l'entretenir de jour comme de nuit afin de parfaire ses végétaux et rendre cet endroit symboliquement accueillant pour des créatures plus faibles et fragiles qui souhaiteraient se mettre à l'abri. Les couleurs étaient innombrables comme la variété de cette faune et de cette flore qui s'épanouissait sous les soins apportés par ces bipèdes à la tâche.

Les oiseaux gazouillaient joyeusement, de ce chant harmonieux et apaisant qui scintillait dans les oreilles de la créature. D'une main délicate, elle se saisissait d'une tige qu'elle arracha de sa souche tout en amenant cette douce odeur à son nez pour la respirer. Les sens des goules étaient plus accrus, plus sensibles et si cette espèce s'en satisfaisait, elle préférait malgré tout la volupté de la fragrance du sang parmi toutes les autres essences. « Madame, excusez-moi de vous déranger » Une voix se prononça derrière elle tandis qu'elle se mettait à caresser les pétales de cette fleur au rouge saillant sans prendre la peine de se retourner. Elle savait déjà qui lui adressait la parole. « Lucciana, je t'ai déjà dit que tu pouvais m'appeler Versace » Il s'agissait de sa subordonnée la plus proche. Elle l'avait ramassé dans les bidonvilles à l'âge de ses dix ans alors que des humains s'en prenaient à elle. Ce coin de la ville, aussi sale que perdu, était une véritable mine d'or pour repérer des éléments qui valaient le détour. En effet, l'Eglise Blanche ne surveillait pas du tout cette zone et tendait même à laisser traîner cette population dans la boue. Il était donc évident pour Versace de chercher des alliés en leur prêtant main forte avec toutes sortes de promesses alléchantes. Mais Lucciana lui avait immédiatement plu, plus que les autres, plus que d'en faire seulement des soldats bien dociles. Ses talents étaient intéressants. Cette femme avait le don de manipuler l'esprit des gens à sa guise, la rendant particulièrement dangereuse. La goule avait donc décidé de faire d'elle son chevalier fidèle. De toute évidence, elle lui vouait une loyauté sans failles et sans conditions. Elle lui obéissait toujours au doigt et à l'oeil mais elle avait aussi cette capacité à se faire entendre par sa supérieure en lui donnant son opinion. Son esprit était aussi affûté que le poison qu'elle pouvait injecter dans la tête des autres et cela plaisait à notre chancelière. « Oui Mada... Versace. » Lucciana se raclait la gorge, ne se sentant toujours pas capable d'accéder à cette requête même après des années de services. « J'ai sorti les profils des traqueurs qui seraient susceptibles de vous intéresser. Nous avons un métamorphe capable de se fondre dans la masse, une divinatrice, un hurleur puis... » La demoiselle s’interrompit brusquement alors que Versace levait la main pour lui intimer de cesser. « Dis-moi, lequel te semble le plus adéquat ? » Le silence tombait un court instant, ne laissant place qu'aux bruits des pages qui se tournaient entre les mains de sa subordonnée. « Cette femme » Elle lui tendit ensuite la feuille qui arborait l'identité de son choix. Versace s'en saisissait, ajustant confortablement ses lunettes -dont elle n'avait par ailleurs pas du tout besoin- et en découvrait le contenu rapidement. « Kyanos Katsaros. Il s'agit d'un loup garou. Un de nos meilleurs traqueurs. Elle travaille pour nous depuis quelques années depuis l'affaire de propagande médiatique lancée par son Altesse. Ses résultats sont excellents, le seul inconvénient reste son caractère. Elle n'est pas très facile. » « Hm, je vois » feignait-elle de répondre tout en continuant de se saisir de quelques fleurs avec l'intention d'en faire un beau bouquet. « Vous n'avez pas l'air très convaincu, Madame » « Je suis simplement ennuyée Lucciana, déranger des compétences pour si peu, ne trouves-tu pas cela pathétique ? Ce genre de choses ne devrait même pas arriver avec notre système actuel » En effet, un des prisonniers avait réussi à s'évader et Versace savait pertinemment que quelqu'un dans cette enceinte l'y avait aidé. Emeline avait été furieuse et avait réclamé que le problème soit réglé dans l'immédiat en prenant toutes les dispositions nécessaires. La goule aurait très bien pu s'en charger elle-même mais elle n'allait certainement pas se salir les mains pour si peu. Après tout, c'était une mission bien trop facile pour son grade. Non non, ce qui l'intéressait c'était de percer à jour cette odeur de complot qui se présentât à ses narines. C'était déjà beaucoup plus distrayant. En tout cas, il était clair qu'un jeu d'ombres se présentait et la jeune femme ne laisserait pas cet événement se produire à nouveau. Il en valait de l'image et de la crédibilité de l'Ordre. Versace daigna ensuite se retourner pour poser ses pupilles sur le visage de son sujet favori « Est-ce que les gardes sont tous prêts ? » « Affirmatif Madame, ils vous attendent et il n'en manque aucun » « Bien. Peux-tu mettre ce bouquet sur mon bureau ? Cela me ferait plaisir. Je vais me préparer »

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Versace arborait une longue robe noire qui la dissimulait totalement sous le tissu sombre. Un masque à tête de corbeau habillait son visage de sorte à ce que personne ici présent ne sache la reconnaître que ce soit à l'apparence ou au son de sa voix. Le corbeau. Cet oiseau de mauvaise augure, présage de souffrance et de mort. C'était en quelque sorte, le sentiment néfaste qu'elle dégageait lorsque sa présence s'annonçait. Les rangs avaient été formés sur une dizaine de lignes inflexibles où chaque soldat se tenait sans dépasser, la stature droite, le menton relevé, le regard fixé sur l'horizon. « Bonjour à tous, loyaux collaborateurs » L'ambiance était froide, glaçante même. Même le chant des oiseaux ne semblaient pas attendrir la tension qui planait au dessus de la tête de ces hommes et de ces femmes. « Comme vous le savez tous, vous avez été faits appeler à cause d'un événement malheureux » Elle s'avançait parmi eux, le pas lent, les mains jointes et les doigts entrelacés sur son estomac. « Un prisonnier s'est échappé et je sais que quelqu'un parmi vous, l'y a aidé. Cela me fait énormément de peine... » Versace prit un temps pour s'arrêter, dévisageant toutes ces faces livides à travers les vitraux de ses yeux en verre. « Nous avons un traître parmi nous. Un traître qui a pourtant prêté serment sur son honneur de défendre les droits des créatures et de les préserver. Un traître qui a rompu sa promesse au profit d'un humain. » Des murmures d'indignation s'élevèrent, sourds et grondants d'exaspération face à cet acte de trahison absolue. « Vous êtes en colère et je le suis également. Nous ne pouvons pas permettre ce genre d'initiative pour le bien de notre communauté » Elle leva son index pour l'amener devant son bec, en demande de silence. « Chuuut... Ecoutez... Le bruit de la trahison. Il peut s'entendre au rythme cardiaque qui s'accélère imperceptiblement. Boum boum... Boum boum... » Un silence tomba, comme un voile obscur qui s'emparait de vos poumons pour vous couper la respiration. Sa silhouette naviguait entre les rangs de ses hommes sur une cadence tranquille, sans but précis en apparence mais qui se voulait étonnamment angoissante pour le coupable. Cela semblait prendre des heures quand seulement quelques minutes s'écoulaient. Des pas qui prenaient dangereusement l'amplitude d'une direction bien précise qui menait tout droit à lui. Il suait à grosse goutte. Il peinait à respirer même s'il tenait toujours l'allure. Mais pour Versace, ces détails ne lui échappaient pas. Une goule était un prédateur, elle sentait la crainte et la panique à bien des égards et s'en nourrissait pour son bon plaisir. Alors elle s'arrêta, en face de ce garde, le dos bien droit. « Thomas Berkam, c'est bien ça ? » « Oui Madame » « Où étiez-vous hier vers vingt heures ? » « Chez moi, Madame, avec ma femme et mon fils » Sa voix était assurée mais Versace sentait, elle le sentait ce léger tremblement au fond de sa gorge. « Ce ne doit pas être facile pour vous, cette position » Le regard du brun se teintait d'une lueur évocatrice, de celle qui inspire l'effroi maladroitement contenu « Je ne comprends pas, Madame » « Mais si voyons, vous n'êtes pas stupide. Dites, je vois de la boue sous vos chaussures alors que vous habitez pourtant ici » Le sang du soldat se glaça. Il savait, il savait qu'il ne pourrait pas se tirer de cet étau qui se serrait davantage autour de sa gorge. « J'ai fait des courses dans les rues médiévales. Elles sont terreuses. » « Des courses ? » « Oui, des potions. » « Non ça, c'est votre femme qui les fait. Margareth je crois. Vous, vous buvez au bar d'à côté après le travail à deux pas de là » D'une poigne ferme, elle se saisissait ensuite de son épaule tout en se mettant à chuchoter. « Vous auriez sûrement dû mieux profiter de ce dernier verre, Thomas. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir dire à votre femme maintenant ? »

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Sa voix grimpait, chantante, sur un air de musique classique qui tournait en fond sonore. Versace se recoiffait en face de son miroir baroque, remettant quelques mèches en place avant de rencontrer son invitée du jour. Le guerrier qui manipulait la lave avait finalement été arrêté. C'était bien dommage, il était plutôt un bon sujet mais il avait fallu que sa conscience de faible le rattrape. « Madame, Kyanos Katsaros est arrivée » « Fais la rentrer Lucciana » Sur un hochement de tête, sa garde personnelle s'effaçait pour la faire pénétrer dans le bureau de la chancelière qui allait se déposer comme une plume sur la chaise derrière la table en chêne massif. Elle l'accueillait sur un grand sourire et d'un geste aimable, l'invitait à s'asseoir à sa guise en face d'elle. « Bienvenue, Kyanos. Navrée de faire appel à vous pendant votre service au salon de coiffure » Elle l'observait un moment, jaugeant son physique, sa carrure ainsi que ses capacités qui transpiraient de sa musculature. Un loup garou avait des dispositions plutôt efficaces et comme à son habitude, Lucciana -logée toujours dans un coin de la pièce, à l'affût du moindre danger- avait bien fait de la conseiller. Juste avant, Versace avait pris le temps de s'intéresser à son passé, son parcours et sa situation actuelle. La pauvre petite avait été la victime d'une manigance pour gagner les mœurs de la population afin de les inciter à soutenir l'Ordre. Il fallait bien quelques dommages collatéraux pour gagner une bataille. « Je ne pense pas que nous nous soyons déjà présentées auparavant. Je m'appelle Versace. Je suis le bras droit de cet Ordre bien que j'ai plutôt parfois l'impression de gérer une crèche... » Elle se mit à rire doucement avant de reprendre. « Si j'ai fait appel à vous, c'est pour régler un problème plutôt épineux, enfin... entre autres choses... » poursuivait-elle en prenant un air las puis elle se levait ensuite pour ouvrir une armoire contenant toutes sortes de boissons, en tous genres. Elle ouvrit un placard encastré directement dans le mur en pierre pour se saisir d'un verre avant de retourner son attention vers son interlocutrice. « Vous désirez peut-être quelque chose à boire avant de commencer ? »
:copyright:️ DABEILLE

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