Histoire
Zaou ne parle jamais de sa vie d’avant, celle avant sa rencontre avec Huang. Il n’avait jamais vraiment eu de considérations pour les humains jusqu’ici, préférant éviter soigneusement les sorciers et exorcistes qui arpentaient la Chine ancienne et recherchaient avidement des créatures magiques à soumettre pour en faire de puissants familiers. Pourtant, il y avait quelque chose de différent avec Huang. Il ne cherchait pas la gloire, ni la puissance. Alors Zaou accepta de le servir, de le suivre.
Il voyagea à travers toute la Chine, et Huang lui appris à utiliser sa condition et ses pouvoirs pour le bien des autres. Grâce à la bienveillance de l’humain et les pouvoirs de l’esprit, Huang se fit une excellente réputation de maître taoïste, et Zaou celle d’un loyal esprit protecteur.
Évidemment, la réputation du sorcier attirait les jalousies et les convoitises. Et Huang tomba malade, maudit, hanté par une créature magique envoyée par un autre. Sa déchéance fut longue, et fatale, sans que Zaou ne puisse trouver le coupable ou la créature responsable.
De nouveau libre et sans maître, Zaou erra jusqu’à finalement s’installer dans une vallée du Guangxi. Il continua là, pendant des centaines d’années, son travail pour honorer la mémoire de son ancien maître et ami: se glissant la nuit tombée dans les maisons pour guérir silencieusement les plaies, ou aider les habitants à trouver le sommeil, réparant les cœurs brisés et les anxiétés en les inspirant par ses rêves.
La rumeur qu’un esprit de médecine s’était installé dans la vallée ne tarda pas à se répandre dans les villages ruraux alentours. Et une drôle de routine s’installa: les habitants avaient même installés un petit autel, sous un large pommier près d’une route. Ils laissaient de l’encens, des pommes, des petits papiers comme des vœux.
Zaou aimait cette routine. Aller lire les papiers au crépuscule, le soir tombé visiter les maisons concernées, alléger les fardeaux. Le matin, saluer Laoda ye, ce maçon à la retraite à qui il se montrait, qui venait nettoyer l’autel et partager un thé et une conversation avec lui.
Les années passaient dans une apparente tranquillité. Mais la vallée changeait. Les hommes changeaient. Les moments avec Laoda ye restaient les mêmes, heureusement, mais les traits de l’humain s’affaissaient. Sa main tremblait, lorsqu’il servait le thé.
Bientôt Zaou était celui qui servait le thé. Deux tasses, toujours. Mais celle du vieil homme restait vide. Un promoteur racheta le terrain. Le pommier abattu.
Zaou savait que désormais, le monde des hommes n’était plus pour lui et qu’il fallait partir vers un sanctuaire.
Et retrouver la trace, peut être là bas, de la créature qui avait tué Huang.
C'était plus facile à dire qu'à faire: où trouver un refuge, dans ce monde de plus en plus consumé par les humains ? Le monde devenait irrespirable pour Zaou, jusqu'à ce qu'il croise enfin d'autres créatures comme lui en voyage vers l'est : ils suivaient les rumeurs, et un mystérieux appel vers l'océan, où se trouverai supposément un refuge pour les créatures comme eux.
Zaou décida de les suivre: après tout, plus rien ne l'attendait. Il n'y avait plus personne pour croire en l'existence de l'esprit de médecine de la vallée de Guangxi, plus de Huang avec qui voyager, plus de Laoda ye avec qui prendre le thé. Plus de pommier sous lequel s'asseoir. Et l'assassin de Huang devait certainement être en train de mourir avec la magie dans le monde des hommes, ou réfugié dans ce supposé sanctuaire.
Il pris des affaires pour entamer le voyage avec eux. Suivre les rumeurs, suivre l'appel et l'espoir, pendre la mer... Jusqu'à l'impressionnante tempête.
Zaou de souvient distinctement s'accrocher de toutes ses forces à la rembarde, et passer finalement par dessus bord, alors qu'au loin apparaissait enfin une terre nouvelle et étrange.