Mais quelle merveilleuse soirée ... (Feat Mira + Helga) | 27/10/2021

Les plans ne se passent pas toujours comme prévu

Depuis le peu de temps qu'il était arrivé, Ye s'était surtout appliqué à prendre ses marques. Etudier le terrain, les gens, repérer les quartiers... Ce n'était pas difficile pour lui, il était rôdé à l'exercice de la discrétion. Et dans une masse aussi diverse, surtout dans le quartier contemporain, c'était même étonnamment simple.

Il s'était séparé de ses compagnons de voyage discrètement et avait erré, jusqu'à ce qu'il soit temps. La faim avait fait le voyage avec lui, et il avait assez fait l'éclaireur sur les endroits où chasser facilement. Les endroits où l'alcool coule et où les humains se réunissent de nuit, en général. ça ne manquait pas trop, par ici...

Le plan avait été pourtant extrêmement simple: s'asseoir à la table d'un humain, boire un coup ou deux avec, se faire ramener chez lui/elle, et manger à sa faim. Simple, rapide, efficace. Oui mais voilà, pourquoi diable était il tombé sur cette humaine qui ne se décidait ni à finir sa boisson, ni à arrêter de lui rabâcher les oreilles avec ses acteurs locaux de films préférés ? Ye s'en fichait pas mal des acteurs de films d'action Azuoliens. Il avait bien feint l'intérêt un moment en pensant ferrer le poisson plus facilement, mais avait abandonné bien vite en réalisant que de toutes façons, elle était trop absorbée par sa passion pour lui prêter plus attention que ça.

Alors lorsqu'elle lui proposa d'aller carrément voir un film... Ye lève le regard vers l'horloge au dessus du bar. C'était tard. Trop tard pour tenter de chopper quelqu'un d'autre.

Et c'est ainsi qu'il se retrouva sur ce siège du fond, dans cette salle de cinéma à moitié remplie... à regarder un film dont il se contrefoutait royalement à côté d'une humaine qui était à fond dans son délire.

Super. Super soirée.
Il était temps de se ressasir. Il avait faim, beaucoup trop faim. Et il n'était pas assez en confiance pour chasser de jour. Il fallait agir.

Heureusement, Ye avait assez côtoyé les humains et leurs clichés stupides pour savoir que dans ce genre d'endroit, il avait suffisamment de marge de manœuvre. Un subtil changement de position sur son siège, un geste innocent vers ses cheveux, et il avait l'attention de l'humaine. Un bras qui se pose sur l'accoudoir, la main qui glisse vers un genou, et là il avait *toute* son attention.
Il pouvait presque sentir les battements de cœur de sa victime changer de rythme. Les émotions de l'humaine s'élever plus intensément. L'équivalent pour lui du délicieux fumet de son dîner, enfin à portée.
Profiter de la pénombre, glisser discrètement, voler ses lèvres. Sans geste trop brusque, il ne s'agit pas d'effrayer la proie. Parfait. Pas de mouvement de recul, rien, il n'y avait plus qu'à attendre que ça fasse effet. Elle se fait plus lointaine, plus détendue... Il était temps. Elle n'avait pas grand chose à offrir, mais Ye s'en contenterai pour le moment.

Inspirant doucement le flux invisible et silencieux entre leurs lèvres, il ferme lui même les yeux. Enfin. Il avait fini par avoir un semblant de repas depuis son arrivée, et sans encombres ! La soirée n'était peut être si ratée après tout... Non ?

Non.

Il sent le flux en lui remuer anormalement. Et une sensation familière lui remonte jusqu'à la gorge.

"Non ... Non non non... "

Il retire ses lèvres sans que l'humaine ne semble vraiment s'en rendre compte, le fixant avec un air vaguement interrogateur. Ye serre les dents. Partir. Vite.

"Tu ne te sens pas un peu fatiguée... ? Met toi à l'aise... Je vais faire un tour..."

Chuchote le démon à voix basse, se redressant pour longer les murs à la recherche d'une sortie de secours tandis qu'elle se roule confortablement en boule sur son fauteuil sans se poser de questions, partie pour faire sa sieste sur le champ comme ce charmant jeune homme venait de lui suggérer, donc.

Ye ne pensait déjà plus à elle. Il arrive à s'éclipser assez rapidement, une expression douloureuse sur son visage. Il pousse la porte, l'air nocturne lui fouettant le visage sans que ça ne l'aide vraiment à se sentir mieux. Il marche d'un pas rapide vers une ruelle plus discrète et déserte, et a tout juste le temps d'écarter sa longue tresse du chemin et de se pencher pour vomir dans un coin de mur.

Il reste longuement penché, un bras replié sur son ventre, comme si il espérait que ça calme les crampes atroces. Enfin, un râle de toute évidence douloureux et non humain s'échappe de ses lèvres lorsqu'il se redresse, s'essuyant la bouche avec un long soupir et admirant son oeuvre avec un air absolument blasé. Une partie du pied du mur, dans ce coin, était maintenant repeinte d'une substance noire et épaisse, aux reflets irisés. Son premier repas à Azuola. Ruiné. Super.

"Bon sang... !"

Grogne le démon, frappant son poing de libre sur le mur contre lequel il s'appuie un instant... Avant de se raidir en entendant des pas. Il n'avait pas vérifié si il avait été suivi...

Son absolue merveilleuse soirée n'avait pas l'air prête d'être terminée.

Codage par Libella sur Graphiorum

Son esprit bouillait à tel point qu'elle ne parvenait même plus à faire le point sur le fil de ses pensées. Il y avait encore, énormément de choses à assimiler ici. Surtout d'un point de vue complotiste. La détective se rendait à l'évidence -il lui manquait un accès crucial à des informations qu'elle n'obtenait pas. La possibilité d'entrer dans les forces de l'ordre se présentait comme une alternative de plus en plus tentante. Bien-sûr, elle avait conscience que cette option demeurait sous le joug de l'Eglise Blanche et c'était bien ce qui la retenait encore, de prendre une décision. La jeune femme souffla. Elle avait prévenu Cyriacus qu'elle rentrerait à la nuit tombée, pour ne pas l'inquiéter. C'était quand même dingue à quel point il lui rappelait son frère. Il n'avait pas manqué de lui demander de faire attention, que cela pouvait être dangereux de se balader seule, d'autant plus que le danger rodait encore plus en tant que Néos. La ténébreuse avait simplement grogné sur un signe de main nonchalant avant de claquer la porte et partir. Mais cette inquiétude n'était pas dénuée de sens. La menace était réelle certes, cependant... C'était sans compter sur sa curiosité qui dérogeait à bien des règles et qui la poussait toujours plus sur une attitude aventureuse, presque insouciante par moment. Puis son regard se pencha sur la devanture d'un bar. Cela la ramenait nostalgiquement quelques années en arrière, dans son ancienne vie. Là où après le travail, elle se mettait minable après une sale journée avec ses collègues de l'époque. Un temps qui lui manquait. Un temps qui lui semblait si loin désormais.

« En souvenir de ton existence passée »

Attirée comme un papillon de nuit vers la lumière, elle passait alors le perron, bien décidée à se faire un shooter ou deux.

Elle s'installait à une table tout en prenant le soin d'observer un peu le monde autour d'elle. C'était mécanique, instinctif. Il fallait impérativement que son cerveau passe tous les détails en revue. Et quels détails. La faune tranchait dans le décor, là où la normalité contrastait sèchement avec l'autre monde. Mais la Néos s'était habituée. Sa présence n'était toutefois pas passée inaperçue, à tel point qu'elle se demandait si elle avait le droit d'être là. Mais si les clients la dévisageaient, ils avaient tôt fait d'arrêter et de la laisser tranquille. Personne ne venait pour la chasser. Bon au moins, elle ne se ferait pas casser le nez. Un serveur avec une tête de crocodile s'adressait ensuite à elle pour prendre sa commande. Ce type... avait une vraie tête de crocodile. Même si elle s'était acclimatée, cela restait... Impressionnant. La jeune femme lui commandait donc naturellement un whisky. Son œil s'étirait ensuite à nouveau sur la pièce, les gens et l'ambiance. C'était bien similaire à un bar normal si ce n'était que des créatures arpentaient les lieux. Il y en avait à l'allure parfaitement humaine quand d'autres dénotaient du décor sur leurs couleurs, leurs formes... Son verre arriva enfin. Un verre, qui se multiplia vite -trop vite- par plusieurs autres -elle n'avait pas le chiffre exact- jusqu'à ce que son esprit s'embrume totalement et s'échauffe. Son corps commençait à la brûler pour finalement, ne plus rien sentir du tout.

Il y avait deux Helga dans l'univers. Une jeune femme froide, antipathique, sèche et sévère. Puis une autre, joviale, intenable, enjôleuse et excentrique dès lors que de l'alcool s'injectait en trop grosse quantité dans ses veines. En ce moment, c'était sa seconde personnalité qui carburait à plein régime. Elle s'invitait au table, ne manquant pas de faire du rentre dedans à quelques personnes qui tombaient dans son champ visuel, ne sachant même pas dire s'ils étaient à son goût ou non. Hommes. Femmes. Tout le monde y passait. Elle s'agitait comme une bouteille de champagne à qui on aurait retiré le bouchon trop vite. D'une voix railleuse, elle racontait ses péripéties à qui voulait bien l'entendre, faisait des blagues plus vaseuses et vulgaires les unes que les autres. Une vraie bûcheronne prenait place dans ses fibres. Toutefois, on lui accordait néanmoins bien une chose : elle faisait bien rire. Soudainement, un troupeau s'agglutinait autour de la table alors qu'un concours de shooters se préparait. Helga avait défié un type à celui ou celle qui tombait raide le premier alors même que son taux d'alcoolémie grimpait déjà en flèche. Ce gars-là, Rayan ou Roméo -elle ne savait pas trop- ressemblait à un tank bâti sur un tas de muscles saillants. Lui aussi était un Néos alors pour elle, à ce moment, c'était comme un pote qui faisait partie de sa communauté. Il lui avait dit quel pouvoir il avait -mais franchement, elle n'avait rien retenu. « Allez !!! » beuglait-elle en levant son énième petit verre pour le boire directement avant de taper son poing sur la table « On enchaîne les lavettes ! » L'horloge tournait sur cette humeur déchaînée jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus rien avaler. Le coma pointait le bout de son nez, pourtant, elle arrivait encore à tenir miraculeusement sur ses deux jambes. Helga s'arrachait de cette descente dans l'espoir de retrouver des neurones en prenant l'air frais. Son peu de présence d'esprit lui intimait de regarder son téléphone, où elle vit les textos de Cyriacus. Ses doigts tapaient maladroitement une réponse, à base de z et de y, pour le rassurer -même si ça donnerait clairement, l'effet inverse.

Elle avait la tête qui tournait affreusement. Et elle n'était plus trop certaine de pouvoir retrouver son chemin toute seule, son sens de l'orientation dans cet état laissait à désirer. « Pourquoi j'ai bu autant ? » Avec difficulté, la détective mettait un pied devant l'autre, le regard vitreux, gerbant ça et là sur son passage dès que l'envie s'en faisait sentir. Une vraie épave. Son sang battait très fort dans ses tempes avec la sensation que quelqu'un lui serrait très fort le crâne. Mais soudain, elle apercevait une silhouette qui semblait dans le même état qu'elle. La raison complètement échouée à cause de l'alcool, elle jugeait donc bon de crier « Hé toi là-bas ! » Son corps s'actionna pour se mettre à courir mais ses yeux ne calculaient plus les bonnes distances à cause de l'ivresse et la nuit, à tel point qu'elle se heurtait à l'individu de plein fouet, ce qui la sonna un peu sur le coup, reculant titubante et déséquilibrée « Ah pardon » grognait-elle en se frottant le nez. Il avait l'air immense ce type.

Ses paupières se plissaient alors pour tenter de distinguer ses traits. Il était mignon. Non ? Elle ne savait pas trop en fait. Puis ses yeux tombaient sur le sol, où une flaque visqueuse longeait le trottoir. Elle fit une grimace « Mec, sérieux, t'as mangé un cadavre ou quoi ? » Puis elle pouffa de rire, en pensant subitement à Stanislas pour un motif qu'il était préférable d'ignorer. Sa main attrapait ainsi fermement son épaule comme d'une envie de l'aider « Si tu veux, je peux te tenir les cheveux ! Faut bien se soutenir la queue de cheval entre bourrés ha ha ha ! » Son rire ricochait comme celui d'une démente qui aurait attrapé un mauvais coup de soleil sur le haut du crâne.

Non vraiment, elle n'avait aucune idée de ce qu'il se passait. Ni qui était véritablement cet homme. Ni quel genre de proie appétissante elle pouvait être. Parce qu'après tout, Helga ne s'identifiait jamais comme un buffet. C'était elle la prédatrice. Non ?

Codage par Libella sur Graphiorum

De mieux en mieux ...

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Son visage s'étirait d'un sourire qui, s'il se voulait amical, faisait finalement plutôt peur. Ses prunelles argentées brillaient au clair obscur d'une nuit tâchée d'une lumière tamisée grâce aux lampadaires à proximité. Helga avalait toutefois un hoquet de surprise lorsque l'inconnu lui saisissait la main si doucement, que c'en était louche. Il la regardait comme le dernier délice du monde, observant les veines sur son poignet tandis qu'il se penchait dessus « T'es quoi toi ? Un genre de vampire ? » Elle ricana, bien que dans son état normal, cela aurait suffi à la mettre en garde immédiatement avec une interjection gonflée de cynisme. Mais bien trop arrosée par les degrés d'alcool, les bases de la survie ancrée dans ses chairs depuis des millénaires, peinaient à faire surface. Pas tout de suite en tout cas. Un peu gauche, ses jambes se dérobaient sous elle un instant, pour se rattraper rapidement au cou de l'homme « Oups, j'ai un peu glissé » A nouveau, elle gloussait tandis qu'elle faisait claquer la langue sur son palais en retrouvant sa posture.

Mais son regard était soudain attiré par une voix rauque qui jaillissait dans l'obscurité. Elle n'y voyait pas grand chose, si ce n'était qu'elle avait la chevelure digne d'un Salamèche. Toutefois, l'autre, lui, réagissait immédiatement à cette présence en se crispant. Helga ne le remarqua évidemment pas, trop saoule pour capter le moindre signal suspect ou du moins, trop saoule pour y accorder de l'intérêt. Son décodeur analytique était sur une mise en veille profonde et alarmante. A la remarque du type filiforme, elle lui assena un coup de poing dans l'épaule dont elle ne mesurait pas la force « Oh bah tiens ! T'es un coquin toi » Ses rétines se retournaient par ailleurs dans leurs orbites et sa bouche poussa un soupir en faisant un pas compliqué vers la rouquine à la tignasse de lionne. Des gamins ? « Ca va, j'suis majeure et vaccinée » Sa main balayait l'invisible l'air ennuyé puis, subitement, son estomac se contracta pour se déverser littéralement par terre, sur les chaussures du démon « Oh m-... » Une autre rasade secouait son ventre, avant même qu'elle ne puisse terminer son juron. Après quelques secondes longues et douloureuses, la détective finit par se calmer, essuyant sa manche d'un revers de manche « J'vous en paierai des nouvelles » lâchait-elle simplement, comme d'un rien. Enfin, ce sera plutôt Cyriacus qui le fera, en fait.

Si cette sensation était désagréable, elle devait reconnaître que cet exorcisme lui ôtait un poids et la libérait de quelques effluves assommantes. Puis ses prunelles dévisageaient la femme aux traits serrés avant de déclarer « Vot' tête m'dit que'qu'chose, est-ce que j'vous ai d'jà vu ? » Certainement, mais où ? Comment ? Son cerveau embrumé ne semblait pas décidé à trouver des réponses. Ses épaules se levaient, avec une nonchalance qui ne la quittait jamais vraiment. Elle se tut un instant, comme si elle essayait de mesurer un peu le climat ou plutôt, sa faculté à articuler un raisonnement correct « J'sens une sale ambiance là » remarquait-elle en tentant d'allumer une cigarette à l'envers. Elle s'en aperçut d'ailleurs et se mit à tousser en la jetant « Si vous voulez, on peut aller régler ça autour d'un aut' verre hein ! Ouuu un ménage à trois ? »

Pourvu que personne ne meurt ce soir.

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Une opportunité ou un piège ?

Effectivement, il avait vu juste : l'humaine était complètement, absolument, cent pour cent torchée. Elle ne cherche même pas à retirer sa main, ou s'écarter à son geste. Si elle n'avait pas été aussi démontée par l'alcool, Ye aurait presque pris ça pour un compliment, et un message qu'il lui plaisait.
Enfin ça, c'était jusqu'à ce qu'elle le compare à un vampire.
Ah non mais là c'était pas possible. Un vampire ! Ces poseurs sans délicatesse et incapables de faire un repas sans en mettre partout ? En plus le sang, ça tâchait atrocement, et ça avait un goût immonde. Autant lécher des tournevis !

"Uhmph, jenesuispasunvampire... !"

Arrive à grogner le Guei, fronçant les sourcils avec un air outré. Au moins, se concentrer sur l'insolence absolue de son repas le détournait assez de ses crampes pour qu'il ne risque pas de lui quicher dessus. Et ça lui permettait surtout de rester suffisamment attentif à l'autre femme, à distance. L'autre prédateur. Le plus gros prédateur que lui. ça se sentait juste à plein nez: Ye n'était ni assez puissant ni assez courageux pour la contrarier, celle là.

Cependant, elle ne montre aucun signe de vouloir lui voler sa proie. Et l'absence d'agression instantanée est une bonne indication que ce n'était pas son terrain de chasse. Et en plus, elle l'avait évidemment percé complètement à jour. Bien que le regard interrogateur qu'il lui renvoie montre qu'il n'avait sincèrement aucune idée de ce qu'elle voulait dire. C'était quoi encore cette histoire de grands piafs sans âmes ? Elle se foutait de lui ?

"Je ne mange pas de chair... "

Grogne Ye, ne cherchant donc même plus à faire semblant, puisqu'il était repéré à dix kilomètres à la ronde par cette femme aux cheveux de feu. Un vampire, et maintenant une goule ? Ye ne comprenait décidément pas pourquoi les gens avaient la manie d'être aussi insultants comme ça. N'ayant toujours pas compris que c'est parceque quand même, vu comme ça, ses méthodes ressemblaient quand même vachement à celles d'un vampire. En moins salissantes, peut être.

"... Et je ne comptais pas la tuer. J'ai juste besoin de... "

Le pauvre démon n'eut pas le loisir de terminer sa phrase, que l'humaine renvoie quelques pintes et un ou deux shots sur ses chaussures. Merveilleux. Parfait. Génial. Maintenant, si il perdait cette chasse, il avait plus aucune chance de mettre la patte sur la moindre nouvelle proie. Si il n'était pas aussi faible et affamé, il aurait juste jeté la fille dans les bras de l'autre et se serait envolé loin d'ici. Là. Tout de suite. Il grimace, découvre instinctivement ses dents, sa contrariété flirtant vers la limite de l'énervement. Le démon avait éclaté des têtes sur des murs pour moins que ça, avant.

"... Mais fais toi plaisir..."

gronde Ye, clairement menaçant, mais résistant à cette envie impulsive d'introduire l'humaine à quelques briques. Vu la mention bizarre de celle ci, il avait peut être encore une mince chance d'en faire son affaire si l'autre prédateur consentait à lui foutre la paix. Ce qui n'avait pas l'air d'être le cas.

Pas du tout le cas. Elle semble même prendre cette proposition de plan à trois au sérieux. D'accord, ça changeait la donne. Et son regard s'éclaire d'une légère étincelle de reconnaissance envers la prédatrice. Oh, ça ne le dérangeait pas de partager après tout. La règle disait qu'elle aurait la première part, il espérait juste qu'elle ne se nourrissait pas en tuant ses victimes, elle. ça ne l'arrangeait pas trop si il passait après. Il lâche le poignet de l'humaine, donc, indiquant silencieusement son consentement. Bien que lui ne bouge pas, une légère tension encore présente dans ses épaules. ça pouvait tout aussi bien être un piège pour que cette prédatrice se fasse deux repas en un coup.

Mira le verra hésiter, face à la proposition silencieuse de le soutenir. Une de ses mains était toujours posée sur son ventre, agrippant légèrement la chemise.

"... J'ai pas l'habitude de suivre les gens que je ne connais pas. Surtout quand je ne sais pas si je suis à égal... Ou au menu aussi..."

Autant être honnête, la situation prenait une tournure vraiment bizarre. Son cerveau nageait totalement dans les effluves de whisky, mais certains propos la faisaient froncer du nez. Il y avait des mots, mis dans des phrases, qui selon son instinct encore embrumé, devaient tout de même la mettre en alerte. Comme « chair » ou « mort » ou « tuer ». Un léger courant de lucidité la traversait soudain.

« Euh... Quoi ? » Ses sourcils s'enfonçaient sur son front, cherchant désespérément un sens logique à cette conversation qui se dessinait comme si elle était totalement invisible, en toute décontraction. Attendez attendez. Ils comptaient la manger, c'est ça ? Cette simple idée lui tirait une nouvelle vague de nausée, qui lui fit tousser sa cigarette. Son corps convulsait nerveusement. C'était le signal. Vite. Il fallait qu'elle s'éloigne de ces deux énergumènes mais ses pieds refusaient de s'exécuter. Elle était pétrifiée sur place et pas du tout en pleine possession  de ses moyens « Euh, je... » Ah oui. Son téléphone. Il vibrait. Mais si cette femme voulait la dévorer, pourquoi est-ce qu'elle la laisserait localiser sa position ? Et la ramener chez elle ? Oh franchement Helga, l'alcool ne te réussissait vraiment pas.

La main tremblante, elle cherchait son téléphone sans les perdre du regard. Elle sentait un étau se resserrer comme un mauvais sort autour d'elle. Est-ce qu'elle était prise au piège ? Elle finit par décrocher pour répondre à celui dont l'inquiétude amplifiait toujours plus « Je vais bien » -garde ton calme, garde ton calme « Je serai bientôt à la maison » -morte ou vive, je ne sais pas encore « J'arrive au plus vite » -si je parviens à m'en sortir. Mais elle le préservait de tout ces commentaires, s'efforçant de le rassurer en articulant difficilement chaque mot du mieux qu'elle pouvait. Puis elle raccrocha, pointant son doigt simultanément sur ces deux individus louches « Vous deux, j'vous préviens. J'suis pas une proie si facile ! » Elle grognait plus qu'elle ne parlait. Enfin, elle espérait que le message passe parce que sa langue lui donnait l'impression d'être du papier mâché. Elle n'était pas sûre que ce soit bien compréhensible de sa bouche « JE SUIS SUR AUCUN MENU ! » Sa voix beuglait, comme pour se donner un semblant de contenance en se reculant brutalement de l'homme. Puis son regard se levait vers lui, plantant ses iris grises et farouches comme si elle voulait le poignarder « Je vais rentrer, seule » Sa mâchoire se crispait, se mouvant sur une expression farouche et agressive avant de reporter son attention sur la tignasse rousse « Faites votre petite affaire tous les deux, je m'en fous, mais je me taille » A ces mots, elle tentait tant bien que mal de mettre un pied devant l'autre pour s'éloigner le plus vite possible. Le souffle court, son cœur battait dans ses tempes à tel point que c'en était assourdissant.

Oui c'était la meilleure solution, hein ? Pourvu que personne ici ne souhaite s'en prendre à elle sinon, la détective savait pertinemment qu'elle exploserait et serait incapable de se contrôler avec la panique.

Codage par Libella sur Graphiorum