Histoire
« Alasdair, Fionnlagh,
Mes chers frères,
Lorsque vous lirez cette lettre, il sera trop tard pour que vous puissiez me rattraper. Je serais d’ors et déjà à bord du navire qui me mènera vers mon avenir. Je vous saurais grès de ne jamais montrer ce courrier à père et mère. Ils deviendraient fous, je le sais. Je ne veux pas m’imaginer qu’ils puissent essayer de remuer ciel et terre pour me ramener chez le Duc de Campbell. Je n’y retournerai jamais. Si je me suis enfuie, c’est bien parce que je ne peux plus rester à ses côtés. Et père avait été très clair lorsque j’avais évoqué le fait de ne pas pouvoir l’épouser :
« Si tu n’es pas prête à l’épouser, Olivia, prépare toi à quitter notre famille dans les plus brefs délais. Il n’y a pas de place pour les caprices dans les jeux de pouvoir. » Il n’a jamais compris que ce n’était pas qu’un caprice.
J’ai orchestré mon départ seule, sans l’aide de personne. Il serait alors inutile d’accabler Gabrielle (ma dame de compagnie, si vous l’aviez oublié). Au contraire, s’il vous plaît, prenez soin d’elle. C’est une jeune femme motivée et pleine de bonne volonté qui est de très bonne compagnie. Je suis sûre qu’elle plairait à vos femmes. Ne la laissez pas chez le Duc. Elle mérite une famille qui la traitera correctement.
Soyez en certains, j’ai mûrement réfléchi mon départ. Je n’ai pas fait ça sur un coup de tête. Pour être honnête avec vous, j’ai eu envie de me sauver au moment même où mère et père ont donné ma main au Duc. J’ai senti le soir de notre rencontre que quelque chose n’allait pas, et je ne me suis pas trompée.
Cet homme est vil et cruel. Il aura beau raconté qu’il essaye d’être tendre et juste avec les siens, il n’en a cure des autres. Ne tombez pas dans son piège, s’il vous plaît. Le soir de nos fiançailles me l’a prouvé, mais mère n’a pas voulu m’écouter. Cet homme se plaisait à se vanter de toutes les souffrances qu’il pouvait faire vivre à ses serviteurs si ces-derniers ne l’écoutent pas. Pendant que nous dansions, il me racontait des histoires qui m’ont fait froid dans le dos. Sans aucun doute pour me pousser à me soumettre à lui sans réfléchir. Cet homme jouis de la souffrance des autres et ne cherche en aucun cas à permettre une vie meilleure à autrui. J’ai tout de même tenté de lui partager mes idées quant à son rôle et ses missions, mais j’ai fini au pied des escaliers et alité pendant plusieurs semaines, car je ne pouvais plus poser la jambe à terre. Tel est censé être mon rôle de femme et d’épouse, mais je refuse de mettre au monde un enfant venant de lui. Je ne le pourrais pas, j’en suis incapable. Comment pourrais-je élever un enfant qui aurait pour père un rustre comme lui ?
Je sais que vous n’y étiez pour rien et j’aurais aimé vous parler de mes projets de voyage, mais je sais que vous auriez tout fait pour me dissuader.
Nous sommes bien loin de l’époque où enfant, nous gardions nos frasques pour nous et où vous me protégeriez de la moindre répercussion. À l’heure actuelle, vous êtes des hommes accomplis, mariés et avec vos enfants, vous ne pouvez pas vous encombrer de ma personne et de mes problèmes. De surcroît, je pense avoir prouvé dans notre enfance que j’étais parfaitement capable de me débrouiller seule. C’est vous qui m’avez tout appris.
J’ai pris le sou afin de pouvoir subvenir à mes besoins pendant quelques semaines sur les terres où je me rends. Je projette de me trouver un travail pour rejoindre le petit peuple et je compte également changer de prénom afin que personne ne puisse me retrouver où faire le lien entre l’écosse et moi. Je veux pouvoir commencer à faire mes propres choix et non plus devoir me soumettre pour faire plaisir à père et mère. Je me suis trop longtemps résignée à être la femme qu’ils voulaient que je sois. Maintenant, je me destine à devenir la femme que j’aimerais être.
J’espère vous revoir un jour, dans quelques années peut-être. J’aurais construit mon empire de l’autre côté de l’océan et nous serons heureux de pouvoir nous retrouver ensemble et sans obligations. Je vous aime, c’est vous qui m’avez poussé à ne pas me laisser faire lorsque j’avais quelque chose à dire, c’est vous qui m’avez encouragé à ne pas agir aussi docilement devant père et mère et je vous remercie pour tout. Je resterai à jamais votre petite sœur.
Je vous aime, et je vous embrasse,
Olivia. »
Cette lettre est la dernière chose qu’Olivia a laissée derrière elle avant de devenir Mòrag. Elle a dit adieu à tout ce qu’elle était, ne gardant de son passé de troisième fille de la famille Fraser, qu’un mouchoir aux armoiries de sa famille. Son départ a mis à mal le lien unissant les Fraser et les McNair, les deux familles parmi les plus puissantes d’Écosse à l’heure de son émancipation.
Le navire qu’elle avait emprunté avec l’aide de sa dame de compagnie, devait l’amener jusqu’aux terres d’Amérique afin qu’elle puisse prendre un tout nouveau départ. Elle avait tout prévu. Olivia avait pris sur elle une grande quantité d’argent qu’elle espérait pouvoir échanger sur place pour se trouver un logement. Elle voulait se trouver rapidement un travail pour pouvoir subvenir à ses propres besoins. Elle allait faire partie de ce que sa famille avait toujours appelé «
le petit peuple ».
Malheureusement, suite à une tempête, son navire n’est jamais arrivé à bon port et s’est échoué sur les plages d’Azuola suite à une violente tempête. Au départ, la jeune femme pensait s’être échouée sur les plages d’Angleterre, car il n’avait pas voyagé plus d’une journée, mais elle a rapidement déchanté.
Tout est rapidement devenu plus compliqué. Des créatures étranges et surnaturelles peuplaient l’île. Des créatures qu’elle ne pensait exister que dans les romans qui se trouvaient dans la bibliothèque de sa famille. Elle a dû commencer à se débrouiller toute seule : chercher un emploi, faire en sorte qu’on ne lui pose pas trop de questions. Grace à l'éducation que lui avait fournit sa préceptrice, elle est devenue enseignante pour les plus jeunes enfants. Ce n'était pas facile tous les jours... Puis, il y a quelque chose qui a changé en elle.
Mòrag s’est rendu compte qu’elle était capable de ressentir et d’entendre les maux des autres. Cela a commencé avec un enfant de cinq ans qui s’était écorché le genou. En voulant soigner sa plaie, elle a ressenti la douleur du garçon traversé tout son corps et raisonner douloureusement dans son propre genou. L’enfant, lui avait arrêté de pleurer. Lorsque le petit s’était relevé et était sorti de l’infirmerie, elle avait ressenti une grande fatigue qui lui avait donné envie de faire une sieste alors que quelques minutes avant, elle était en pleine forme.
Alors, avant de chercher à fuir cette île où elle pouvait retrouver tout ce qu’elle cherchait : la possibilité d'avoir un nouveau départ, elle devait d’abord comprendre ce qui lui arrivait et pourquoi.