Histoire
Le petit garçon couru sans s’arrêter jusqu’au vieux pommier où se trouvait toujours son ami. Ses parents disait que son ami était imaginaire, mais c’était faux, c’était juste qu’ils ne pouvaient pas le voir voilà tout. Les larmes ruisselaient sur ces petites joues rebondis, noyant ses yeux vairons dans des vagues impossibles à contrôler.
Il ne voulait pas quitter la vallée, il se plaisait ici, il avait son ami près du vieil autel au pied du pommier et Wai Po affirmait qu’ils étaient tous en sécurité ici. Pourquoi vouloir partir ? L’enfant ne comprenait pas. Ses parents venaient pourtant de lui expliquer, de répondre à toutes ces questions. Mais cela ne changeait rien, il ne voulait pas quitter cet endroit.
Se stoppant finalement devant l’arbre centenaire, reniflant et tentant vainement d’essuyer ses larmes, le garçonnet commença à parler, semblait-il seul.
«
Ils … Papa et maman… ils m’ont dit que… qu’on patait. Et ils ont dit que… que je viendai quand même… même si je veux pas moi… Pouquoi papa et maman ils… ils m’écoutent pas ? »
Un esprit apparut alors de derrière le pommier multi-centenaire, comme glissant sur le sol, il sourit doucement à l’enfant et lui murmura des paroles de réconfort. Cela finit pas obtenir l’effet souhaité, le flots de larmes diminua, les soubresauts moururent et les reniflements ne furent plus légion. Enfin le garçonnet se frotta les yeux et afficha un faible sourire.
«
Tu vas me manquer… beaucoup beaucoup. Meci d’ête mon ami. Pomis je t’oublieai jamais Zaou ! »
L’enfant fit demi-tour, parce qu’il savait ne pas avoir d’autre choix que de suivre ses parents. Cependant quitter la Chine, sa patrie et sa vallée lui déchirait les entrailles. A mi-chemin entre chez lui et le vieil arbre, il se retourna imaginant très bien l’esprit à son côté patientant jusqu’à leur prochaine rencontre. Cette idée lui insuffla plus de courage qu’il ne le pensait et en rentrant dans la petite maison, plus aucune larme ne creusait de sillon sur son visage.
**
«
J’ai préparé son dessert favori ! » Gourmandise.
«
Nous sommes arrivés. Tout est prêt ? » Perfectionnisme.
«
Chut ! Si vous voulez qu’il ne sache rien, moins fort ! » Echec.
Une fois encore, il était là assis sur le sol, le dos contre la porte de sa chambre à les écouter. Il savait qu’une fête se préparait, qu’elle était pour son anniversaire. Il savait où se trouvait ses cadeaux, qui étaient présent dans la pièce de vie. Un sourire discret aux lèvres, il patienta sagement que l’on vienne le chercher. Ce fut sa sœur qui frappa à la porte.
«
Aller Huotian, sors de là. Tu sais que je sais que tu sais.Pourquoi à chaque anniversaire vous ne m’appeler plus qu’ainsi ? Mon premier prénom est Killian, comme le tien est Tara. Et on n’est plus en Chine que je sache !Oui mais aujourd’hui, parce que Wai Po est là, nous n’utilisons que nos noms chinois. N’oublie pas de l’utiliser pour moi aussi ! »
L’adolescent se leva et ouvrit la porte en souriant. Wai Po, le surnom de leur grand-mère maternelle, était la doyenne de la famille et celle qui avait choisi leurs prénoms. Sa sœur, née l’année du Serpent de terre répondait au nom de Huajing signifiant Fleur de cristal. Lui, né l’année du Dragon de Métal, se nommait Huotian signifiant Feu du Ciel parce que sa naissance coïncidait avec l’aube, la couleur flamboyante du ciel et qu’il avait laissé échapper quelques flammèche avec son premier cri. Il regarda son interlocutrice avant de la suivre jusqu’à sa surprise.
Sa sœur était une magnifique métis. Son teint très légèrement doré mettait en valeur ses yeux typiquement asiatique. Elle était fière d’être d’Occident et d’Orient, comprenait pourtant que tout ne devait pas être ouvertement dit. Elle lui avait appris à maîtriser son tempérament, à ne pas oublier ses origines sans pour autant se mettre en danger. Malgré les onze années les séparant, elle était toujours là pour le soutenir, le protéger et l’aimer. Killian ne lui disait probablement pas assez, mais il l’aimait énormément, elle était son roc, la personne pour qui il serait prêt à tout.
En arrivant dans le salon, toutes la famille était réuni pour lui dire un joyeux anniversaire. Son sourire s’élargissait encore à chaque embrassade qu’il recevait. Il détaillait muettement chaque membre, s’attardant sur ces parents.
Son père ressemblait à n’importe quel homme caucasien bien qu’il était légèrement doré de peau, il était né en Angleterre et rien ne laissait supposer qu’il dissimulait un secret. Ce dernier était son origine ancestrale, qu’il avait depuis bien longtemps renié, seul sa véritable forme en attestait encore. Toute sa vie, sa famille lui avait appris à se cacher, à ne pas en parler, à prendre sur lui pour ne pas être découvert. Il était aisé pour lui d’oublier sa nature.
Sa mère ressemblait à une beauté asiatique légèrement mystérieuse, comme une fleur rare et épanouie. Elle était née en Chine et ne cachait sa véritable apparence que par obligation. Toute sa vie dans son pays natal, elle avait appris à être fière de qui elle était et de ses ancêtres. Il était impensable pour elle d’oublier sa nature.
Les occasions de réunir la famille étaient légions et il appréciait chacune d’entre elles. Les fêtes, les soirées étaient toujours joyeuses, pleines de rires et de partage. Ses parents s’aimaient profondément malgré leurs différences, les aimaient sa sœur et lui. Ils étaient unis, ils étaient une famille et cela leur suffisait à tous. A cette époque-là, il pensait que rien ne pourrait briser ce qu’il avait. Que l’Harmonie dans laquelle il vivait le suivrait toujours.
Les Hommes s’étaient chargés de le ramener brutalement sur terre.
Les légendes racontaient que le Qilin, animal mystique représentant l’élément terre et l’union des éléments, était garant de l’Equilibre. La naissance, ou l’arrivée, d’un Qilin était un magnifique présage, annonciateur d’harmonie, de paix, de bonheur et de prospérité en Chine. Elles disaient aussi que la disparition d’un Qilin était un mauvais présage annonciateur de déséquilibre et de difficulté. Cependant, la mort non naturelle d’un Qilin était le plus terrifiant des présages car il était annonciateur de guerre, de grande douleur et de terrible peine.
A nouveau assis sur le sol, adossé à la porte de sa chambre, ce n’était plus des rires qu’il écoutait mais des cris, tout en retenant ses larmes.
"
Pour vivre heureux, vivons cachés." Couard.
"
Notre différence est une force, on doit en être fier !" Utopie.
"
Regarde le monde qui nous entoure ! Ils nous tueraient s'ils savaient." Pessimiste.
"
Fait ton choix mais je ne veux plus renier ce que je suis juste par crainte !" Orgueil.
Combien de fois les avait-il entendu se disputer ainsi ? Combien de fois avait-il garder ses pensées pour lui ? Il ne comptait plus depuis bien longtemps. A quoi bon le faire, puisque rien ne changeait. Wai Po avait raison, comme toujours. Les Hommes étaient mauvais, il fallait s’en méfier et s’en défier. Ne pas être en pleine lumière, pour ne pas être traqué, sans pour autant totalement se dissimuler pour ne pas se perdre. Un Equilibre difficile à atteindre à présent. Soupirant, Killian se releva et sorti de sa chambre, son arrivée dans le salon mit un terme momentané à la dispute en cours. En silence, il regarda alternativement ses parents laissant sa colère monter sans la refreiner.
«
Vous vous entendez ? Des symboles de l’Harmonie sur Terre… Entre l’un qui fuit en travaillant toujours plus et l’autre qui se noie dans l’alcool, elle est où l’Harmonie ? Il n’y a pas que vous deux qui souffrez de son absence ! Sauf qu’aucun de vous ne prend la peine de se demander comment je vais. Vous vous en fichez. Qu’est-ce que Tara dirait de tout ça hein ? Elle serait bien triste et elle aurait honte de vous ! »
La gifle qu’il prit le sonna. Ce n’était pas la force de cette dernière mais le geste en lui-même qui eue cette effet. Jusqu’à ce jour, aucun de ses parents n’avaient jamais levé la main sur lui. Son regard se porta sur son père ivre, comme tous les jours depuis ce tragique évènement, la main encore levée mais dont les yeux humides montraient déjà du remord. Puis sur sa mère, une main sur sa bouche, l’air choquée et interdite, incapable de réagir. Il ne leur en voulait pas, il savait qu’ils se faisaient plus de mal à eux. Comme tous les jours depuis ce funeste jour, Killian regretta l’absence de sa sœur. Doucement, il pris son sac de cours.
«
C’est rien papa. Je suis allé trop loin. J’dois aller en cours, j’irai voir Wai Po après les cours. Je rentre après mon cours de Tai Chi vers 20h. »
Ses parents acquiescèrent muettement, l’adolescent quitta l’appartement laissant enfin ses larmes sortir. Il espérait qu’en rentrant, ils auraient une discussion et surtout qu’ils trouveraient des solutions. Persuadé que Wai Po l’aiderait à trouver la piste du nouvel équilibre, il continuait d’avoir confiance en l’avenir.
Cependant… Wai Po l’avait toujours dit : les Hommes sont les plus vils des créatures. Et un grand malheur ne vient jamais seul.
**
L’odeur âcre était toujours présentes dans son nez, les couleurs orange et jaune dansait devant son regard sans répit, les hurlements en échos hantaient son ouïe. Wai Po était là, assise son côté, écumante de colère autant qu’il était éteint. Son monde venait de s’écrouler totalement, sans possibilité de retour en arrière. Il avait tout perdu, ressentait ce que cela impliquait dans une douleur lancinante et comprenait mieux la douleur qu’il avait vu dans les yeux de sa grand-mère par le passé.
Les soldats du feu avaient fait tout leur possible, il ne leur en voulait pas. Sans eux, lui aussi y serait resté. Était ensuite venu la police, beaucoup de bras cassés qui n’attendaient qu’une chose de classer cette affaire. Le choc ne passait pas, difficile d’intégrer ce qui s’était produit même en en étant témoin. Pourtant la rage venait s’en nourrir et hurlait en lui un seul mot : vengeance.
Aucun flics ne semblaient comprendre ce qu’il désirait, ce qu’il voulait, sauf une. De dix ans son aînée au moins, il se voyait dans un miroir à travers ses yeux. Il n’avait pas besoin de décrire ce qu’il ressentait, ce qu’il endurait ni même de chercher une explication à donner. Elle savait. Plus profond encore, il avait conscience qu’elle comprenait et partageait avec lui cette rage au creux de l’estomac réclamant une justice qui ne semblait pas venir.
Les heures s’étaient transformés en jours, puis en semaine et enfin en mois. Cela n’avait pas d’importance aux yeux de l’adolescent dont la vie s’était arrêté ce soir-là. Les cauchemars continuaient de le visiter la nuit, le privant de repos. Les journées entre le lycée et le magasin de Wai Po n’avaient plus aucune saveur et semblaient s’étirer à l’infini. Le temps lui-même n’avait plus d’intérêt, seul la colère qui l’habitait en avait. Elle se tournait fréquemment contre ces policiers ne donnant aucune information, ni explication, se contentant de lui dire qu’ils y travaillaient et que justice serait rendue. Mais quand ?
Le jeune qilin, doux et gentil, avait disparu pour laisser place à un qilin ne voulant plus s’embarrasser d’harmonie et de paix, désirant seulement la guerre totale contre ceux qui lui avait arraché les siens. Néanmoins dans tout ce brouillard, les paroles de la jeune inspectrice de police résonnaient en lui comme la dernière caresse d’une mère aimante. Au fond de lui, Killian voulait croire qu’elle ne le lâcherait pas, qu’elle trouverait. Son espoir ne fût pas déçu.
Un soir, alors qu’il terminait de faire l’inventaire avant la fermeture, la jeune femme entra dans le magasin. Son visage avait une expression grave et déterminé, mais l’adolescent vit de suite la flamme de satisfaction dans son regard. Les mots qu’elle lui offrit après l’avoir salué le soulagèrent plus qu’il ne l’aurait cru. Sa haine contre les hommes n’était pas éteinte pour autant, mais n’était plus qu’un tas de braise.
Il l’a remercia sobrement, sachant qu’une nouvelle étape commençait pour lui avant que la justice ne finisse par condamner les meurtriers. Encore un peu de patience, mais bientôt, il le savait, il pourrait leur montrer l’étendu de sa douleur et s’assurer que jamais ils ne revoient la lumière du jour.
Il ne revit plus la jeune inspectrice, mais conserva son numéro et n’oublia jamais son nom : Helga Adwing.
**
Killian regarde devant lui, une lueur de peine et de colère sourde dans les yeux avant de souffler l’unique bougie sur son muffin aux pépites de chocolat. Pas de grande fête, pas de rire… Cependant ce qui lui sert le plus le cœur, en ce jour de célébration, est l’absence des siens. La dernière encore en vie est Wai Po, sa grand-mère. Néanmoins, du haut de ces presque six cents ans, elle lui avait appris tout ce qu’elle avait tue sur leurs origines. Sa nature qui différait de la sienne. Lui un Qilin, hybride d’un dragon et d’un cerf, preuve que malgré les douleurs et les épreuves le bonheur existait. Elle une dragonne, du nom de Nythyt ayant connu la paix et la guerre, regrettant la perte des siens et espérant que certains avaient survécu malgré tout. Elle l’aide à maîtriser ses transformations et pouvoirs, pour que jamais les Hommes ne puissent lui refaire autant de mal et surtout qu’il puisse leur en infliger plus encore.
Plus aucun Qilin de sa famille n’existe plus en ce monde désormais par la fautes des Hommes et de leur ignorance.
Il est seul.
Désabusé, il prend un bâton d’encens et l’allume grâce à sa bougie. Respirant profondément l’odeur familière, il le plante devant les portraits des êtres cher à son cœur. Sa vie n’est plus que ruine. L’Harmonie est parti, et il ne voit pas comment la retrouver. Sa colère le ronge peu à peu, comme elle le fait depuis tant d’année avec son aïeule. Pourtant il est pour la paix et ne cherche pas la guerre, même si cette dernière l’a trouvé et lui a tout arraché. Au fond de lui, il croit encore que tous les Hommes ne sont pas à condamner, qu’il peut y avoir du bon en eux. Un léger sourire triste étire ses lèvres alors qu’il repense qu’il pensait sa mère utopiste, il n’est guère mieux.
«
On doit y aller. On doit l’écouter. Il n’y a plus rien pour nous ici. »
Y aller. Killian hoche la tête. L’idée ne le séduit pas, il préfèrerait rester et venger les siens. La part draconique, qu’il porte, est bien plus forte qu’elle ne l’était chez sa sœur ou son père, se rapprochant de sa mère. L’influence de son signe accentue plus encore cette part de lui-même. Cela fait des années qu’il entend cette voix l’appeler, depuis l’assassinat de sa sœur ainée s’il est honnête. Il sait que Wai Po l’entend aussi, et depuis bien plus longtemps. Un appel doux, une invitation à se retirer du monde des Hommes. Peut-il y trouver l’Harmonie dont il a tant besoin ? L’Equilibre qui lui a été arraché ? Est-ce que seulement cela peut apaiser sa colère ? Aucune réponse à ses questions.
Prenant le muffin pour le manger en route, il suit Wai Po jusqu’au port. Là ils prennent la mer dans le bateau qu’ils ont loué, se laissant guider par cet appel puissant. Une fois en pleine mer, loin de tout, Nythyt retrouve sa forme de dragonne et laisse Killian monter sur son dos avant de prendre son envol. La tempête, qu’ils affrontent, est plus forte que supposée. Killian est désarçonné, tombe dans la mer, le choc le sonnant assez pour qu’il ne se rende pas compte que sa grand-mère le repêche. Pour ne plus prendre de risques, elle le garde entre ses griffes jusqu’à la plage où elle atterrit.
Se remettant de sa chute, il observe le monde autour de lui. Une île luxuriante, vivante et surtout peuplée de créatures. Pour la première fois depuis longtemps, Killian se sent bien. Il sourit doucement, parce qu’il sait pourquoi. Tout n’est probablement pas parfait ici non plus, mais il y a plus d’Harmonie que dans le monde des Hommes.
«
Wai Po, nous sommes chez nous. Allons chercher des membres de ton clan. Tu as raison, si il y a d’autres survivants, ils sont ici.Oui, à commencer par la Mère des Dragons. »