Presque inaperçu (libre) | 30 août 2021

La nuit commençait à tomber sur Azuola, déclenchant avec son arrivée le réveil des lumières de la ville qui grésillaient sous les ampoules chauffantes. Des passants éparses se baladaient, profitant de cette ambiance calme qui dénotait de la foule en journée. Le cadre offrait un sentiment plus intime aux amoureux qui se tenaient par le bras en riant et se murmurant des mots doux, comme si plus rien n’existait autour d’eux. Sous les faisceaux lumineux, deux silhouettes se détachaient des bienheureux, un pas soutenu et régulier qui se dirigeait vers la grande église après avoir quitté l’orphelinat. Non loin de ces longues ombres, un papillon les suivait, ses couleurs violacées semblaient étinceler à chaque fois que des photons venaient embrasser ses fines ailes. La présence de ce petit être s’accompagnait d’une illusion qui se dessinait sous les yeux de ceux qui posaient le regard sur le plus grand des deux, faisant passer le métis pour un parfait inconnu jusqu’à le faire complètement disparaître lorsque le décor sous entendait que sa présence ne serait pas la bienvenue. Le silence avait prit place entre ces deux paires de lèvres qui s’étaient agitées plus tôt, sans qu’il ne soit lourd ou pesant pour autant. Le regard ambré jaugeait l’endroit alors que sous ses mèches brunes, il cherchait à empêcher de vieux sentiments de ressurgir violemment, aussi sournois que douloureux. Le fin duvet présent sur sa nuque et ses avant-bras s’était hérissé, comme une réaction viscérale que de se retrouver ici après tout ce temps, après tous ces événements, après tout ce qu’il avait apprit. Une boule se formaient peu à peu dans le creux de son estomac, un mélange d’émotions aussi houleuses que fortes, similaires à un tsunami. Suite à une inspiration profonde qui manquait profondément de nicotine pour apaiser ses encéphales en fusion, ses pas qui ne s’étaient pas arrêtés mais avaient ralentis reprenaient le rythme pour suivre son compagnon entre les murs du lieu sacré, traversaient le couloir, montaient des escaliers jusqu’à arriver face à cette porte que son partenaire prenait le soin d’ouvrir pour eux deux. Abaissant sa capuche sur ses épaules dans un bruit de froissement de tissu, le métis franchissait le seuil et une fois celle-ci refermée, l’insecte s’évaporait dans les airs, disparaissant de la même manière qu’il était arrivé, dans un battement d’aile silencieux. Un regard échangé, un petit rire qui provenait plus de la nervosité et du soulagement de ne pas avoir été surprit en flagrant délit que de l’amusement lui échappait. Lentement, l’ancien détenu commençait à avancer dans l’endroit qui appartenait à son ami, détaillant le contenu du bureau, la vue qu’il avait depuis le centre de la pièce sur l’extérieur, puis son regard se posait sur son partenaire. Toutes ces années avaient passé et voilà où ils en étaient désormais. Ennemis par l’affiliation, amis par la vie.

- Alors c’est vraiment ici que tu travailles…

Ces quelques paroles étaient murmurées dans un souffle. Elix venait de prendre conscience de l’impact du temps, une nouvelle fois. Ses doigts se glissaient lentement sur le bureau, caressant la matière de la pulpe fine de ses dernières phalanges. Sa présence n’était pas sans risque, ils le savaient l’un comme l’autre, mais visiblement, le jeu en valait tous les risques du monde. Parce que rien n’avait plus de valeur et d’importance que d’être aujourd’hui aux côtés de celui qu’il avait blessé quelques semaines en arrière. Elix ne se voyait pas s’assoir ici. Il ne se voyait pas non plus prendre le thé et discuter tranquillement, mais y avait-il un endroit où on l’attendrait moins qu’ici ? Certainement pas. Déjà sa mort n’était plus à remettre en doute depuis le temps et ses changements physiques pouvaient facilement décourager une personne qui pensait le reconnaître. Tout du moins, c’est ce qu’il avait pensé avant que Cyriacus ne le reconnaisse en plein combat.

- Ça me fait bizarre de te voir travailler ici.

Surtout quand je vois leur façon de faire. Se disait l’intrus qui laissait son regard couler sur la couverture d’un bouquin. Puis il repensait à sa presque mort sur une note désagréable… Un bruit soudain le faisait sursauter et son regard aiguisé se posait sur l’engin qui avait failli lui faire avoir une attaque. Qu’est-ce que ça signifiait, on les avait déjà repéré ? Mais ils venaient tout juste d’arriver ! Pas déjà ! Un froncement de sourcils qui indiquait son incompréhension était tout ce que recevait son homologue qui allait répondre à la machine infernale. Lui n’entendait que quelques brides, mais cela ne s’annonçait pas de bonne augure pour eux, encore moins quand il voyait ce visage qu’il aimait tant faire sourire se décomposer et perdre en couleur malgré les mots prononcés avec fermetés.

- Quelqu’un arrive ?

Dans la résonance de ses cordes vocales, toute sa tension était palpable, son appréhension grandissante avec les secondes alors que son homologue commençait à s’agiter. Ho non, mais non ! L’agitation prenait en ampleur dans l’ancien calme du bureau et avant qu’il n’ai pu comprendre quoi que ce soit, comment il en était arrivé là, Elix se retrouvait assit, dans le fond d’une armoire avec le cœur qui battait à cent à l’heure, manquant de jaillir de sa poitrine à chaque nouvelle impulsion. Bordel… La porte s’ouvrait et au vu de la voix, il s’agissait d’une femme qui venait interrompre leur moment et visiblement, pas une inconnue. Le métis écoutait, attentivement, elle semblait inquiète pour lui, on aurait un peu dit une maman qui grondait son enfant. Tient, la dame parlait d’elle justement, de sa mère, peut-être pour avoir plus de poids... Un soupire silencieux s’échappait de ses lèvres alors que ses paupières s’abaissaient sur ses iris aux couleurs chaudes. Elle ne semblait pas l’avoir remarqué, tant mieux… La position devenait désagréable, des fourmillements se glissaient dans les cuisses crispées du métis qui passait d’accroupit à une position en tailleur. Puis ça se figeait violemment. Le craquement sourd du bois qu’il avait provoqué avait sonné avec une lourdeur digne d’une sentence. Plaquant ses mains sur sa bouche, il espérait de toutes ses forces que le son soit passé inaperçu, mais le lourd silence qui pesait désormais de l’autre côté du bois indiquait tout le contraire. Merde. Ils étaient dans la merde, il n’y avait pas d’autre terme. Se faire passer pour invisible ne fonctionnerait pas, elle se douterait d’une supercherie, que quelque chose clochait, alors d’une concentration rapide, ses traits devenaient juvénile, sa chevelure se raccourcissait et finissait lisse à la hauteur de ses joues, sa taille perdait de nombreux centimètres et d’un coup, il capturait entre ses mains avec fermeté le papillon qui s’était créé suite à l’illusion. Un deuxième bruit, le clappement de ses mains. Lui, il ne fallait pas qu’il sorte tout de suite. Sa frappait violemment dans ses tempes, ça avait rougit sur ses joues sous la montée d’adrénaline. Ce n’était qu’une petite illusion, quelque chose de bénin que de faire croire aux deux adultes qu’il s’agissait d’une miniature de Cyriacus dans cette grande armoire. Pourquoi lui ? Il n’avait pas réfléchit, tous ses souvenirs d’enfance remontaient bien trop violemment en sa présence et c’était la seule chose qui avait bien voulu se former. N’ouvre pas cette porte… Qu’il espérait de toutes ses forces en gardant ses mains cramponnées sur l’insecte qui essayait de battre des ailes. Mais déjà, une idée commençait à se dessiner pour excuser sa présence dans un lieu aussi inapproprié. Quand la porte s’ouvrait finalement sur lui, ses grands yeux devenus sombres se posaient sur l’adulte, un air renfrogné sur le visage et une moue particulièrement insatisfaite d’enfant boudeur.

- Ha bah vous m’avez enfin trouvé. Vous êtes vraiment nuls à cache cache, vous les adultes… J’ai faim moi maintenant.

Quelque part, il remerciait ses parents, de l’avoir forcé à jouer des rôles dans sa jeunesse, à s’être fait passé pour des personnes qu’il n’était pas ou avoir pu observer des enfants jouer dans leur quotidien. Ça lui permettait d’offrir cette prestation qui était relativement dangereuse vu l’endroit où ils étaient et surtout le fait qu’il ne savait pas qui elle était elle.

Presque inaperçu Elle lui décochait un regard digne d'une flèche qui viendrait se loger entre les deux sourcils de celui qui l'accueillait pour lui perforer le crâne. A son teint, elle devinait aisément qu'il n'était pas à son aise, elle trouvait ainsi sa réaction encore plus louche. Helga ne lui donnait pas le temps d'ouvrir la bouche, se précipitant déjà vers l'armoire comme une lionne où elle avait entendu un bruit suspect. Toutefois, elle se serait attendue à tout sauf à voir un môme. Dès lors qu'elle tirait la porte du meuble, l'incompréhension se lisait sur son visage. Un enfant était logé au fond de sa cachette, se plaignant du mauvais jeu des adultes. Ses prunelles d'un gris à l'argent éclatant perçaient le gamin de ses faisceaux lunaires avec la ferme intuition que quelque chose se tramait, sans savoir véritablement quoi. La jeune femme savait que Cyriacus dépensait son temps dans son orphelinat mais la subtilité voulait que ce petit garçon lui ressemble trait pour trait « C'est quoi ce bordel ? » Quelqu'un se foutait de sa gueule ici. A sa connaissance, son hôte n'avait clairement pas de conjointe et il n'était certainement pas le genre à s'adonner dans des aventures sans lendemain. Un accident était vite arrivé après mais ce n'était pas son genre. La détective en mettrait sa tête à couper. Mais alors pourquoi ce gosse avait quasiment les mêmes traits que lui, en plus jeune ? C'était troublant. Cependant comme si de rien n'était, le soldat sortait mollement une boîte de gâteaux pour satisfaire le gamin « Sérieusement Cyriacus qu'est-ce... » Helga n'eut pas le temps de ponctuer sa phrase qu'un événement perturbateur venait les interrompre. Un hurlement se prolongeait de l'extérieur et la première initiative du maître de ce bureau fut de faire danser ses chaînes pour le sceller rapidement. Sur le qui vive, Helga le rejoignait derechef, restant un peu en retrait pour se planter devant le môme occupé à engloutir ses cookies sur le fauteuil. Était-ce réellement possible qu'un espion ait pu s'immiscer ici ? Rien n'était moins sûr. Elle se préparait mentalement à dégainer si le besoin s'en faisait ressentir. Mais l'intrus, plutôt que de chercher à se débattre, expliquait seulement être tombé du toit en plus de préciser être arrivé sur Azuola... Depuis hier. Par bateau. La demoiselle aux cheveux ébènes poussa un léger soupir, décontractant ses muscles. « Il n'a pas l'air de mentir Cyriacus, fais ce qu'il demande » intimait-elle doucement pour que son ami puisse se détendre à son tour. Il avait l'air plutôt crispé mais rien de bien étonnant quand un inconnu de cette allure débarquait de cette façon. Et puis, l'autre se sentira certainement plus en confiance et Helga pourra en profiter pour le passer à son détecteur de mensonges « Faltaire donc. Tu viens du monde des humains ? Enfin... L'autre monde ? » Avec le temps, Helga avait réussi à prononcer cette phrase sans broncher, se familiarisant avec la situation. A vrai dire, c'était désormais acté dans son esprit. Elle se rapprochait ensuite un peu du bonhomme qui dénotait clairement du décor avec sa couleur de peau et ses ailes, toujours quelque peu alerte au moindre geste brusque « Si tu mens, nous le saurons, alors ne fais rien d'idiot qui puisse te compromettre » autant donner un avertissement clair. Il n'était pas dans n'importe quel endroit et s'ils n'avaient pas la certitude que cette créature était inoffensive, autant dire qu'il passerait un sale quart d'heure. « Pour être certaine que tu sois sincère, décris nous ce qu'il s'est passé en détail avant de te retrouver perché à cette gouttière, à ton fameux accident de bateau » Ce n'était pas inapproprié quand on savait que les nouveaux habitants arrivaient de cette manière mais nous n'étions jamais trop prudents. Ses traits se révélaient plus serrés, sévères. Suite à sa déclaration s'il cherchait à les entortiller, elle saura très vite s'en apercevoir.:copyright:️ DABEILLE

La confusion de la scène laissait Elix complètement docile aux déplacements que lui avait imposé Cyriacus. Quoi ? Il voulait donc que lui rencontre cette étrangère ? Ça devait être quelqu’un de confiance et d’important pour lui alors, parce que l’Inquisiteur avait bien conscience que le métis ne pouvait pas révéler à n’importe qui que… Et bien… Qu’il n’était pas si mort que ça au final. Du moins il espérait que son ami ai cette présence d’esprit. D’un coup il ne savait plus quoi penser, se retrouvant à douter de tout. Ses lèvres en forme de « O » n’avaient pas le temps de laisser échapper des mots audibles que les portes de l’armoire se retrouvaient fermées sous son nez dans un claquement presque brutal, le laissant ainsi là, victime d’une suite d’événements qu’il n’avait même pas pu pleinement saisir. Si, un détail ne lui avait pas échappé, c’est que maintenant ils se retrouvaient tous deux dans une situation tout ce qu’il y avait de plus déplaisante.

Bravo.

Malheureusement, l’absence de discrétion que lui offrait le bois du vieil objet ne laissait pas l’occasion à l’adulte devenu enfant de profiter de la pénombre plus longtemps que le voilà désormais face à cette drôle de dame. Dame qui grondait son ami et vu la tête, allait encore le faire. Ses sourcils s’enfonçaient sur son regard désormais juvénile et aussi sombre qu’une nuit sans étoile, il la détaillait de haut en bas en essayant de ne pas écraser son papillon sous sa crispation. Parce que la mort de cet insecte, provoquerait l’apparition d’un autre à peine quelques secondes plus tard et cela serait dur à expliquer. « Coucou, je fais apparaître des papillons sans raison, tu veux devenir ma copine ? » Non, certainement pas. Puis c’était qui elle, cette Helga d’ailleurs ? La copine de Cyriacus justement ? Il n’en avait jamais entendu parler. Du moins il n’en avait pas le souvenir. Après tout, les deux hommes avaient tellement d’autres choses à partager, à rattraper, que quelques heures ne suffisaient pas pour se mettre à la plage et jusqu’à présent, c’était tout ce qu’ils avaient pu s’offrir. Et si le brun original avait refait toute sa vie en son absence ? Ça ne serait pas si aberrant, même plutôt logique quand il y réfléchissait à deux fois. C’était un bel homme, il était bon avec tout le monde, d’une gentillesse et avec une ouverture d’esprit sans limite… Cela plongeait les pensées de l’intrus dans d’autres questionnements, qui allaient bien au-delà de tout ce qu’il avait pu avoir, au-delà même du danger de la situation. Se relevant en entendant le froissement d’un plastique de gâteau bien discernable, le fripon se hissait hors de l’armoire d’un bond pour rejoindre le bureau, secouant un peu ses jambes pour détendre les muscles de ses cuisses avant de filer. Il faudrait qu’il en trouve une explication à cette illusion, plus tard… Parce qu’il savait que ce n’était pas l’idée la plus intelligente qu’il avait eu, loin de là même. Ces derniers temps, il ne faisait que des bêtises.
Mais le voilà de nouveau embêté, les mains prises et sans possibilité de les ouvrir pour attraper la friandise sans devoir expliquer ce qu’il faisait avec un captif dans les mains. Alors, le plus naturellement du monde, le gamin se penchait, attrapait un coin du sachet entre ses incisives du haut et du bas puis filait prendre place sur le fauteuil qui faisait face à celui du maître des lieux, repliant ses genoux contre son torse, il ouvrait le paquet en le coinçant entre ses pouces et en serrant les dents. Une chose était sûre, c’est que la tête que se payait madame l’inconnue n’avait pas de prix. Un petit peu de satisfaction dans toute cette galère à venir ça ne faisait pas de mal. Le cri soudain faisait sursauter le faux gamin qui tournait la tête vers la nouvelle agitation, elle n’en avait donc pas finie cette journée ? Profitant de l’attention que ça lui retirait, Elix ouvrait les mains et laissait filer le papillon qui se mettait à voleter tranquillement dans le bureau jusqu’à se poser sur cette fichue armoire. Voilà la seule âme présente qui était calme. Ça de moins à gérer, ouf. Jaugeant à son tour le nouvel intrus en le découvrant tout comme ses comparses, il enfournait son cookie dans sa bouche tout en décalant sa tête sur le côté pour voir l’être bleu malgré les fesses de la dame qui gênait jusque là. C’était vraiment limite la protection dans cet endroit, un peu décevant vu la réputation des lieux… En d’autres circonstances, il aurait pu rire de voir l’étranger ainsi baladé mais la situation ne s’y prêtait malheureusement pas. Il restait donc spectateur jusqu’à ce qu’une parole capte son attention et que son regard écarquillé se pose sur son meilleur ami, une inquiétude se dessinant dans le fond de ses pupilles.

- Comment elle pourra savoir s’il ment..?

C’était une réelle inquiétude à avoir. C’était son pouvoir qui lui permettait de savoir ça ? Il fallait qu’il comprenne, parce que si c’était le cas, il devrait filer au pas de course de cet endroit.

La bouche affairée à déguster le gâteau qu’il avait demandé sur un ton enfantin, le faux gamin observait la scène. Le calme ? Il était oscillant derrière ses orbes sombres. Encore plus depuis qu’il avait compris que la dame en colère avait un moyen de savoir les choses. Surtout qu’il ignorait l’origine de cette faculté. Son regard était appuyé sur elle mais déviait en fonction des actions de celle-ci pour ne pas être prit en flagrant délit. Ça fusait dans sa tête et le papillon voletait gaiment autour d’eux alors que l’autre étranger se faisait secouer comme une vieille serviette oubliée et malodorante. C’était déjà mieux que le combat qu’il avait eu quelques jours avant avec son meilleur ami. Le dos bien enfoncé dans la matière chaude, il se donnait pour tâche de retirer quelques bouts de son gâteau coincé dans ses dents, repliant en même temps ses genoux contre son torse. Rien de plus que l’indifférence d’un môme d’une dizaine d’année. Au moins l’autre n’hurlait pas de détresse, ce qui aurait alerté les gardes un peu trop vite. Un brin de réflexion et ce dernier attardait son attention sur la porte, si quelqu’un devait la franchir, pour sûr qu’il lui balancerait une illusion d’un Cyriacus travaillant sagement à son bureau. La main dans ses mèches faussement lisses faisait lever le nez du gamin vers son image plus âgée. Vraiment, cette idée de devenir mini Cyriacus n’était pas la meilleure, il s’en rendait bien compte. Il avait fait une bêtise et l’inquisiteur avait l’air à bout de tout, de force, de volonté, de patience… Ce qui ennuyait fortement la créature magique.

- Hm…

Passant de sur les fesses à à genoux sur le fauteuil, il commençait à ramasser quelques papiers et posait son regard dessus pour les décrypter au fur et à mesure. Finalement il se laissait glisser au sol et s’approchait de lui, profitant de l’occupation des deux autres pour murmurer à son ami.

- C’est qui, elle ?

Bien que le murmure soit discret, l’appuie de son ton sur ce dernier mot était bien présent. Il finissait par lire une information qui capta son attention et tendait le papier à Cyriacus en tournant le nez vers la gargouille colorée.

- Ça parle d’un bateau ça.

Frottant ses mains pâles l’une contre l’autre, il se remettait debout après avoir posé les feuilles volantes sur le bureau. Il avait besoin de savoir à quel point il était dans l’embarras tout de même. Il pourrait partir tout de suite. Se rendre invisible et se cacher sous le bureau sinon. Ou retourner dans la boîte l’air de rien pour s’envoler. Après tout, un pouvoir de téléportation était tout à fait envisageable.

Helga ignorait totalement la conversation qui se profilait derrière elle à son sujet. Mais pour sûr, son ami n'y couperait pas -elle était loin d'avoir la tête à l'ouest. Bah, elle réglerait cette affaire quand ils auront classé celle du lézard radioactif. Tandis qu'elle y méditait, la créature la tirait de ses pensées. Sa bouche se fondait sur une grimace agacée « Oh la ferme » Sérieusement, elle aurait pu parier sur la possibilité que c'était typiquement le profil de bonhomme à se faire avoir sur des annonces de voyage alléchant en ligne. Lorsque Cyriacus indiquait la procédure à suivre, elle souffla bruyamment. Elle demeurait approximativement certaine que cette andouille n'était pas une menace mais, comment en avoir la certitude ? Son regard se fléchissait vers le soldat, bien curieuse soudainement des méthodes employées pour obtenir des informations sur des invités surprises « D'accord mais, comment vous vous y prenez dans votre sainte Eglise pour vous assurer que quelqu'un vous dit bien la vérité ? Vous les passez au détecteur de mensonges ou vous préférez d'abord les mutiler généreusement ? » La détective se mit à ricaner, emprunte d'un cynisme bien palpable concernant cette faction à qui elle n'accordait pas une once de confiance. La jeune femme ne s'en cachait pas, pas même devant l'Inquisiteur et elle ne manquera jamais de salive pour continuer à cracher sa méfiance.

Mais un problème se posait : ce Faltaire n'était effectivement pas passé inaperçu ou alors, ça tiendrait du miracle. Puis activement, la détective faisait les cent pas dans la pièce pour trouver une idée lumineuse. Finalement, elle ne tardait pas à germer. Elle se retrouvait de nouveau vivement nez à nez avec l'intrus qui se repliait sur lui en mode système de défense. Son expression se fendit d'un rictus inquiétant « Je vais pas te frapper tu sais ? Et puis à vrai dire, t'as pas vraiment le choix mon gars. T'es clairement sur une mauvaise posture » Son buste remontait. De sa poche, elle tirait un paquet de cigarettes pour amener une barrette de nicotine directement entre ses lèvres, l'air plus sérieux « Ok alors écoute. J'pense que tu dis vrai. Alors je vais te la faire courte. Soit tu pars en taule et sincèrement, je te le souhaite pas. Sinon, on trouve une déconvenue du genre... T'es une gargouille nan ? Tu peux accessoirement devenir un gardien de l'Eglise Blanche. Finalement, ta venue ici ne serait qu'un entraînement officiel que Cyriacus t'a proposé pour savoir ce que tu vaux en tant qu'observateur. Finalement, il se rend compte que t'es inutile, que t'as loupé les tests et comme ça, tu peux te casser. Ca peut faire un bon prétexte » Elle tirait une volute de fumée qui s'échappait directement de ses naseaux, tel le dragon humain qu'elle incarnait, se tournant vers son frère d'adoption « Bon par contre, va falloir trafiquer un dossier. Alors c'est à vous de voir comment vous arrangez votre petite salade » Elle savait pertinemment que cet homme n'était pas du genre à jeter un innocent sous les verrous mais l'influence de sa Faction pouvait le pousser à abîmer ses principes. C'était à lui, qu'appartenait la décision. Son regard se déposait ensuite machinalement sur le gamin, à côté. Lui par contre, pour sûr qu'elle trancherait sur le fin mot de l'histoire. Et ce ne sera clairement pas une partie de plaisir.

Codage par Libella sur Graphiorum

La réponse, bien que simple de son meilleur ami, laissait Elix comme sur pause. Un instant qu’il s’accordait à intégrer cette information. Elle habite avec moi… Alors c’était ça ? Son meilleur ami avait continué sa vie et lui n’avait même pas remarqué que cette femme était entrée dans celle-ci ? Pourtant il l’avait souvent observé ! Même s’il était caché de tous, il aurait dû la voir à un moment où a un autre… Et… Non ? Rien ? Il avait été aveugle ? Ou alors il avait tout simplement refusé de voir l’évidence qui lui faisait face. C’était probablement ça. Une boule se formait lentement dans cette gorge demeurant inerte de tout mouvement de corde vocale. Terminant de ramasser les papiers, il retrouvait sa place sur le siège et repliait ses genoux contre son torse. Ces quatre mots résonnaient dans sa tête, comme le glas d’une cloche en jour funeste. Quel petit égoïste il pouvait faire. Quel sale jaloux il demeurait encore aujourd’hui. Il avait cru que c’était fini, ces petits battements de cœurs qui s’accéléraient quand leurs peaux se frôlaient, ces regards discrets qu’il posait sur lui dans l’espoir qu’un jour il le voit de la même manière que lui. Non. Cyriacus était un homme lumineux. Un homme avec un charme et une personnalité qui ne pouvaient décemment laisser personne de marbre. Le petit nez enfantin s’abaissait sur ses genoux alors que le papillon violet se déposait sur son épaule, peut-être fatiguer de voler autant et de toute cette agitation. Il aurait été tellement idiot de penser qu’il était vu de la même manière par son ami, tellement benêt d’imaginer un jour être celui à cette place dans son cœur. Cela faisait bien longtemps qu’Elix enfouissait tous ces sentiments au plus profond de son être, de sa réflexion, dans l’espoir de les étouffer. Mais la contraction de son estomac trahissait une cruelle réalité. Celle sur laquelle il ne voudrait mettre de mots. Jamais. Celle sur laquelle il n’en mettrait pas. Plus maintenant. 18 ans, et le métis n’avait pas vraiment évolué sentimentalement, bien qu’il s’en cache en jouant de ses charmes et faisant preuve de séduction au besoin. Toujours anesthésier ce qu’il ressentait réellement. Ignorer ce qu’il ne saurait avoir. En vain. Ça faisait mal.

Il récupérait une attitude plus enfantine, tenant le bureau d’une main et faisant tourner son siège de l’autre. Il n’était pas supposé s’immiscer dans les conversations des adultes. Une œillade se dirigeait vers la porte, peut-être que c’était son moment ? A peine la franchirait-il qu’il deviendrait invisible aux yeux de tous. Ça semblait être un bon plan. Un tour complet de siège, la gargouille avait encore peur. La femme trouvait une solution toute cousue qui pouvait se digérer facilement. Finalement, il se mettait sur les genoux, les avants-bras sur le bureau et détaillait les feuilles. Pouvait y avoir quelques trucs croustillants. Ses vilaines habitudes qui restaient.