Le Film à l'eau de rose ft. Mélusine - 15/11/2021

Un cinéma.

Lorsqu’Ava avait entendu au détour d’un couloir ce mot, elle avait failli bondir sur la personne qui avait mentionné ce mot. Failli. Parce que c’était quand même son avatar qui était en train d’écouter nonchalamment dans le couloir, adossé à un mur, le plus discrètement possible. C’est-à-dire, sans lâcher un mot ni faire un geste. Ava gardait un grand contrôle sur elle-même pour essayer de ne pas faire des gestes bizarres.

Aussi, assise sur son banc, un peu plus loin, elle était recroquevillée comme si elle était constipée. Ce n’était pas si évident de maîtriser un avatar pour qu’il n’agisse pas trop comme elle. Elle finit par le faire bouger pour qu’il aille au détour d’un couloir, à la vue de personne. Et là, il disparut.

Ava se leva, un peu fatiguée, mais étrangement avec un regain d’énergie. Il y avait un cinéma ici. Plus besoin de se créer des films à l’aide de ses avatars, de rester devant un écran presque vide avec pour seule apparition des rêves qu’elle s’imaginait. Là, elle pourrait aller s’évader dans la salle noir et se laisser porter par les images qui n’étaient pas les siennes. S’évader de la réalité le temps d’un film et oublier tous ses problèmes.

Elle n’avait jamais été autant excitée par quelque chose depuis longtemps (bon, mise à part observer les beaux gosses qui trainaient dans le coin, mais ce n’était clairement pas la même forme d’excitation… passons). Elle se mit à courir jusqu’à la femme de l’accueil de l’Eglise blanche et prit tout le courage qu’elle avait en elle pour aller lui demander son chemin.

Ex-excusez-moi… vous savez où est le cinéma ?

Ava se sentit rouge de la tête au pied. ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas parlé à une inconnue de son propre fait. D’habitude, les inconnues avaient plutôt tendance à débouler dans sa chambre de manière inattendue, et elle ne pouvait pas y faire grand-chose.

Quand Ava eut l’adresse, elle se dépécha d’aller voir le fameux cinéma. Elle tomba devant un joli bâtiment, plutôt impressionnant à ses yeux. Et elle chercha les affiches. En voyant la tête des acteurs, qu’elle ne connaissait, elle sautait de joie. C’était vraiment un cinéma !

Elle entra dans le batiment et s’avança vers la dame de l’accueil, mais sentait son coeur battre très fort. L’anxiété la prenait soudain. Elle n’avait que très peu d’argent sur elle, et elle espérait soudainement que ce fusse assez.

Bonjour… Je.. je ne sais pas si j’ai assez sur moi pour un film.

Son cœur battait si fort qu’elle l’entendait résonner dans son crâne. La femme sembla lui parler mais Ava était tellement stressée qu’elle l’entendit à peine. La femme tendit sa main en souriant et Ava lui donna ce qu’elle avait. La femme compta ses pièces et Ava serrait les poings. Finalement, elle lui tendit à nouveau la main pour lui rendre quelques pièces en souriant gentiment.  

C’est largement assez ! Que voulez-vous voir ?

Est-ce que vous pourriez me dire quels sont les films qui passent ? Je… je viens d’arriver.

La dame de l’accueil semblait la regarder avec un regard compatissant et Ava se sentait un peu mal-à-l'aise. On lui montra un petit carnet où tous les films qui passaient était résumé et la femme commença à lui faire les retours des critiques sur chacun d'eux pour lui en dire davantage. Ava se détendit petit à petit. La femme se montrait très accueillante et agréable et elle se sentait plus à l'aise. Elle n'avait plus à être inquiète. Elle souria un tout petit peu en répondant.

Merci madame. Je peux voir le film sur l’histoire d’amour s’il vous plaît ?

Autant partir sur un bon film bien romantique pour commencer. C’était généralement une valeur sûre qui, au pire des cas, serait un bon nanar. Elle allait soit pleurer de tendresse, soit pleurer de rire. Dans les deux cas, elle se détendrait.  

Elle remercia la femme et entra dans la pièce qu'elle lui indiqua. ça ressemblait vraiment à un cinéma et l’espace d’un instant, elle observa la pièce comme si le film avait déjà commencé, comme si cette pièce était le film, qui la ramenait chez elle. C’était où chez elle, avant ?

Ava soupira. Elle ne se souvenait pas de grand chose mais l’impression d’être à sa place, dans cette salle sombre, la soulagea. Elle avait l’habitude d’être dans un endroit pareil. Elle alla s’asseoir et observa la grand écran blanc. Elle pourrait presque oublier qu’elle était sur une île inconnue et magique où des forces étranges et fantastiques pourraient venir la tuer d’une minute à l’autre.

Des pensées heureuses. Elle avait besoin de se détendre, et le film avait intérêt à être bien à l’eau de rose, sans histoire qui fait peur...  

Parce que tout ne pouvait pas se passer comme prévu. Bien sûr. était-ce trop demander un petit film tranquille où respirait le trop plein de sentiment niais à en pleurer de rire ?

Parce que là, Ava était loin de rire… pleurer oui. Peut-être. Avait-elle envie de pleurer ou de rire d’ailleurs ? Parce que l’histoire du vampire, c’était pas le film à jump scare qui était sensé passé dans la salle d’à côté ? C’était pas du tout un film romantique là !

Putain, paye ta romance quoi…

Ava se retourna vers sa voisine quand elle l’entendit grommeler ces quelques mots. De toute évidence, elle aussi était venu voir le film romantique. Donc, elle ne s’était pas trompé de salle. Où alors elles s’étaient toutes les deux trompées de salle ?

Ava savait qu’elle avait une chance de cocue, ou une qu’elle attirait la malchance comme un aimant. Mais, sûrement, la probabilité pour qu’elle tombe sur quelqu’un comme elle au même moment… était faible ? N’est-ce pas ? C’était quand même… vraiment pas de chance là ?

Ava sentit son coeur battre très fort. Ce n’était pas à cause du film. Non, elle devait parler à une inconnue. Elle jeta un œil dans sa direction. Elle semblait avoir à peu près son âge, dans la vingtaine. Elle nota sa chevelure épaisse et bouclée, qui contrastait tellement avec la sienne, raide et fine. Elle aurait aimé avoir son épaisseur. Dans la pénombre, elle ne pouvait pas voir grand chose mais la fille avait l’air trop jolie à ses yeux. ça l’intimida encore plus.

Je… je crois que ce n’est pas le bon film, lança Ava d’une petite voix.

Elle déglutit et se força à regarder la jeune fille.

Il y avait un autre film… qui devait parler d’un vampire… mais c’est un film d’horr-

Ava n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un cri la fit sursauter violemment. Elle avait au moins une chance dans sa vie : elle était prévenante. Jamais elle ne prenait à boire ou à manger au cinéma, ça l’énervait d'entendre mâcher et déglutir quand elle était dans une salle sombre. Et là, elle priait sa bonne étoile pour avoir eu raison, ou sinon, elle aurait actuellement été couverte de nourriture et autre liquide non voulu.

Jump scare. Ce nom n’était pas anodin. Un ravissement pour les fans de film d’horreur. Moins pour ceux qui étaient venu voir un film romantique, supposé calme et tranquille… Là, son cœur était loin, très loin d’être calme.

La scène qui suivit se montra particulièrement violente et… sanglante. En même temps, c’était un film de vampire. Sauf qu’Ava se sentit mal. Dans cette île, les créatures étranges existaient. Et peut-être même qu’il y avait des vampires ? Pour de vrai ? Qui faisait ça ? Qui lui disait que ce film n’était pas “basé sur des faits réels” ?

Sa séance de ciné qui devait être détendue se transforma en une crise d’angoisse comme elle n’en avait jamais eu. Elle avait des sueurs froides et elle avait comme l’impression qu’elle était au bord du malaise. Elle voulait oublier l’espace d’un instant qu’elle avait atterrit dans un monde de créature vengeresse, aux lames acérées, capables de tuer sans remords et sous la protection d’une entité encore pire. Mais là, sa séance se transformait en prise de conscience brutale.

Elle n’avait jamais été aussi consciente de s’être retrouvée dans un merdier sans nom. Et elle était incapable de se souvenir “pourquoi”. De comment elle en était arrivé là. Qu'est-ce qui l'avait poussé à prendre ce bateau ? Ou qui ?

Qu'espérait-elle fuir ? Et qui espérait-elle retrouvée ?

Elle trembla et son corps se raidit.

C'est un cauchemar..., murmura Ava avec les larmes aux yeux.

Ava sentit la jeune fille à côté d’elle lui prendre la main. Elle sursauta et sortit enfin de sa torpeur. Elle avait eu une crise de panique. ça faisait longtemps qu’elle n’en avait pas eu. Ava regarda sa main dans celle de la fille et soupira de soulagement. Finalement, sentir une source de chaleur était ce qu’il y avait de mieux pour se calmer et se détendre.

“Viens, il vaut mieux sortir”.

La jolie fille avait la voix douce et cela la rassura. Elle hocha la tête et se laissa entraîner vers le couloir. Elle sentit que la jolie fille semblait mal-à-l’aise et Ava se sentit mal. C’était sûrement de sa faute. Peut-être qu’elle voulait voir le film ? Elle s’était pourtant étonné que ça ne soit pas un film d’amour. Peut-être que ça la gênait de lui prendre la main ? Ou elle n’avait peut-être pas envie de s'embarrasser d’une gamine qui faisait une crise. En sortant, Ava sentit qu’elle était tendue. Peut-être qu’elle ne voulait pas sortir ? Elle avait peut-être envie de voir l’autre film finalement ?

Ava grommela dans sa tête. Avec des peut-être, elle n’arriverait pas à avoir une réponse ! Il fallait qu’elle lui demande. Elle la regarda et souffla tout doucement avant de se forcer à engager la conversation. Un effort surhumain !

“Tu… tu veux que j’aille demander si une autre salle passe le film qu’on voulait voir ?”.

Ava vit la jolie fille se retourner et elle put mieux la voir. C’est vrai qu’elle était jolie, encore plus maintenant qu’il ne faisait plus sombre. Elle avait vraiment de très beaux cheveux, et ça, Ava l’enviait incroyablement. Elle devait sûrement venir de la même époque qu’elle, aussi, au vu des lunettes et habits qu’elle portait.

Elle leva à nouveau les yeux vers la jolie fille, se rendant soudain compte qu’elle était en train de la dévisager et elle lui souria doucement.

“Merci de m’avoir fait sortir d’ici… Je… je suis arrivée à Azuola il n’y a pas si longtemps et j’ai encore dû mal à réaliser. On m’a dit qu’il y avait des créatures ici. Et d’autres choses…Et… à part dans les jeux vidéos ou les films et séries, tu vois, je pensais vraiment pas pouvoir vivre ça. ça paraît encore irréel aujourd’hui…”.

Ava lâcha doucement la main de la fille et la ramena à ses cheveux dans un geste mal-à-l’aise et gauche.

“Enfin, tu as sûrement dû être là lorsqu’il y a eu cet incident à l’église blanche… j’y étais aussi… et tout ça, ça m’est apparu réel, soudainement”.

Elle se frotta la nuque et osa regarder à nouveau la fille. Elle ne pouvait pas se souvenir si elle avait des amis mais elle aimerait vraiment pouvoir parler de choses et d’autres avec quelqu’un de son âge. Avoir une vie normale.

“Je m’appelle Ava. Ou du moins, c’est comme ça que je me suis nommée. J’ai perdu la mémoire en venant ici et… ça me revient pas”.

Ava soupira en haussant les épaules.

“Je fais des crises de panique parfois, je ne sais pas trop d’où ça vient mais je pense que ça doit venir d’avant. Je suis désolé, je ne voulais pas t’embêter. En tout cas, tu es très jolie ! Enfin ! J-je veux dire…”.

Ava était cramoisie. Elle avait encore parler trop vite et ses pensées défilaient à toute vitesse pour se rattraper.

“Enfin, tu es très jolie, oui, mais je voulais dire gentille avant ça…”.

Elle lui sourit en se mordant la lèvre inférieure, sentant encore le rouge sur ses joues. Elle se tortilla les mains et essaya de trouver quelque chose à dire pour se dépêtrer de ce moment gênant.

“Tu t’appelles comment ? Si tu veux bien me le dire, bien sûr…”.

Se réveiller à tout moment. Oui, c’était l’idée qu’Ava avait souvent ces derniers jours. Parfois, elle espérait encore. Mais à chaque fois, elle se souvenait des derniers événements, et des paroles qu’on lui avait dite.

Impossible de quitter l’île. C’était la seule liberté dont on leur privait sur cette île. Ava détestait ça. Soit disant lieu de protection… mais pour qui, franchement ? Pas pour elle, en tout cas.

La jolie rousse lui donna son nom et Ava se sentit mieux. Elle lui faisait suffisamment confiance pour lui donner son nom, semble-t-il.

Enchantée Mélusine, répondit Ava avec un sourire.

Ava, cependant, perdit vite son sourire lorsqu’elle continua.

Je suis aussi arrivée il y a pas très longtemps, mais, hum… tu es humaine toi aussi, c’est ça ? Tu devrais être prudente, il y a des personnes qui font la chasse à l’humain et ça peut être vraiment dangereux pour toi.

Ava sentit son sang se glacer. On lui en avait parlé, oui. De créatures, ici, qui détestait les humains, et qui était capable de les tuer juste parce qu’ils étaient, justement, humains. Même si Ava ne leur avait rien fait, il lui ferait du mal.

Ils sont très bien organisés. L’Ordre de Sainte Emeline, ça te dit quelque chose ? Je suis tombée dessus dès mon arrivée.

Ava la regardait d’un oeil alerte. L’Ordre de Sainte Emeline. Oui, la dame journaliste, Mira, lui en avait parlé. Elle lui avait dit de faire attention à eux. Mais qu’elle soit tombée sur eux dès son arrivée ? Ava avait des sueurs froides. Elle ne pouvait même pas commencer à imaginer ce qu’ils auraient pu lui faire. Avait-elle aussi, envie, de le savoir ?

Hors de question de lui demander, en tout cas ! Pas besoin de lui faire revivre un possible - sûrement - trauma. Ava s’entortilla les doigts, mal-à-l’aise. Elle déglutit et essaya de sourire.

Je sais qui ils sont…

Elle était certaine d’avoir un air un peu désolé, un peu pataud, aussi. Elle se rendait compte qu’avoir engager une conversation avec une totale inconnue, et lui avoir raconté le peu de vie dont elle se souvenait n’était franchement pas une bonne idée. Sans compter qu’elle lui avait avoué être amnésique ! La belle affaire, Ava !

On m’en a parlé. On m’a dit de faire attention.

Ava soupira et elle regarda autour d’elle, soudainement plus consciente de son environnement. Elle comprenait aussi que, pour Mélusine, rester dehors, à la vue de tous, était sûrement très dangereux.

Écoute, je demande où est le bon film et on repart se terrer dans la salle sombre. ça sera sûrement mieux pour toi, non ?

Ava lui souria et se dépêcha d’aller voir la dame de l’accueil. Celle-ci s’excusa lorsqu’elle apprit que le mauvais film était projeté et contacta un technicien pour qu’il projette le film au bon endroit. Pendant qu’elle était au téléphone, Ava vit passer au loin un groupe de… de quoi d’ailleurs ? Il avait comme des corps et des têtes bizarres, drôlement proche d’animaux mais pas tout à fait en même temps. Ava haussa les épaules. Elle commençait même à ne plus vraiment être étonnée de trouver autre chose, ici, que des humains.

La dame de l’accueil raccrocha le téléphone et lui indiqua la bonne salle. Pour la peine, elle lui offrit des friandises et autres boissons gratuitement, en s’excusant encore pour l’erreur. Ava la remercia et elle alla reprendre la main de Mélusine.

Vient, allons nous installer !

Elle l’emmena avec elle jusque dans la salle sombre et elle alla se mettre dans un coin de la salle, en hauteur, pour avoir une bonne vue de l’ensemble de la salle, tout en restant proche de la sortie. On ne savait jamais ce qu’il pourrait arriver.

Ici, ça t’ira ?

Ava s’assit et rigola.

N’empêche, on va pouvoir se péter le bide de cochonnerie, et tout ça gratuitement !

Ava tendit une boisson à Mélusine.

Tu veux ?

La rousse commença à se détendre dès qu’elles furent installées et Ava soupira intérieurement. Elle avait l’air d’avoir fait le bon choix en se plaçant près de la porte de sortie. Elle n’osait pas lui demander si on la pourchassait ou s’il y avait une raison particulière autre le fait qu’elle soit humaine. Elle ne voulait pas non plus lui avouer qu’elle avait acquis d’étranges capacités en arrivant ici, et n’était pas sûr de vouloir savoir si elle aussi.

Mais elle savait que cette fille avait l’air d’être venu ici dans l’espoir de souffler. De se détendre. D’oublier l’espace d’un instant le fait qu’elle ne soit plus chez elle, tout comme elle. Pour Ava, ça avait été plus simple. Ava n’était même pas son vrai nom.

– Et voir le bon film en plus !

La fille lui sourit tandis qu’elle lui disait cela. De nouveau installée dans la pièce noir, la rousse semblait s’être détendue comme espéré. Elle avait le sourire aux lèvres et accepta la boisson qu’elle lui tendit. Ava était bien contente de voir qu’elle avait perdu son air inquiet et qu’elle appréciait cette drôle de boisson.  

– Heureusement, j’ai pas l’impression qu’on ait manqué grand-chose.

Ava regarda l’écran et tomba sur un couple… original. L’une était… ou peut-être lui… enfin, elle ne savait plus trop. Il n’était pas humain, plutôt deux créatures, et les deux étaient… poilues. ça lui faisait penser un peu aux poils soyeux des chats. Les deux étaient installées sur un quai, dans la brume, s’accrochant l’un à l’autre, se disant des mots d’amour. Et Ava s'affaissait lorsqu’elle vit la brume.

C’est un remake du Quai des Brumes, ça…

Ava regarda la rousse et lui sourit. Elle attendit que l’homme s’approche de la femme sur l’écran et elle murmura.

Prochaines répliques : “t’as d’beaux yeux tu sais ?”.

Et comme Ava le dit, l’homme regarda la femme dans les yeux et lui sortit la même phrase. Ava pouffa et regarda Mélusine.

Et après, la fille lui dit : “Embrasse-moi”.

Et l’actrice le fit, ce qui entraîna un baiser passionné. Ava rigola doucement.

Pour un film à l’eau de rose, on ne pouvait pas faire mieux que le quai des Brumes !

Ava se tourna vers Mélusine.

Tu connaissais ? C’était le film avec Jean Gabin, un film en noir en blanc de Marcel Carné qui date de 1934. Jean Gabin, c’était un peu le Tom Cruise à la française de l’époque, il faisait chavirer tous les cœurs, tu savais ?

Ava se demanda soudainement comment ici, à Azuola, il pouvait connaître ce film. Le réalisateur venait sûrement de leur époque, ou au moins, il devait venir d’après cette date. Faire le choix de prendre des créatures comme acteurs étaient peut-être un partie pris ? Pour amener plus de publics ?

C’est quand même plutôt intéressant de savoir que le réalisateur du film connaît Marcel Carné. ça veut en dire beaucoup sur l’époque dont il vient. Soit il vient de l’époque du film, avant la seconde guerre mondiale, soit il vient d’après. Imagine… On pourrait peut-être en apprendre plus sur cette île en regardant des films en fait ?

Ava regarda Mélusine, des étoiles dans les yeux, en souriant.

Passer notre temps caché dans la salle noire. Personne viendra nous chercher ici… Du moins, si on y passe pas notre vie non plus !

Ava souria lorsque Mélusine semblait aussi enjouée qu’elle, elle eut même la brillante idée d’imaginer que Marcel Carné lui-même pourrait avoir fait le remake, ici, ou qu’il pourrait même être un surnaturel ! Là, si c’était le cas, Ava serait bluffée ! “ça serait incroyable ! Comme un film fantastique… sauf que c’est réel”.

Mélusine sembla intéressé par l’idée d’Ava de rester au cinéma pour en apprendre sur ce monde. Installées confortablement, ça c’était le moins qu’on puisse dire. Ava écouta lorsque Mélusine semblait se laisser porter par la conversation : “En plus on pourrait mettre en commun nos observations, ça serait encore plus efficace, enfin, désolée, je papote peut-être un peu trop.”

Ava secoua vivement la tête avec un grand sourire. ”Non ! Au contraire ! Tu te détends enfin, ça fait du bien non ? De lâcher prise un peu ?”

Ava souria et continua en murmurant : “On va peut-être baisser le ton, le film n’est pas fini”.

Ava souria à Mélusine et elles regardaient ensemble la fin du film. Au moment du générique, avant se concentra pour bien lire le nom du réalisateur. Malheureusement, ce n’était pas Marcel Carné, mais en même temps, il avait eu une belle vie et il était décédé un peu avant sa naissance. Cependant, juste après, il était noté : “En mémoire de Marcel Carné, un ami cher”.

C’était donc bien quelqu’un qui l’avait connu, et intiment de surcroît. Le nom du réalisateur ne lui disait rien, mais peut-être était-ce une créature qui avait connu le réalisateur ? Toutes les créatures ici ne semblaient pas détester les humains, comme Mira par exemple. Ils avaient peut-être la chance de ne pas être laissés de côté parce celles-ci, et ne pas craindre d’être tués par l’un d’eux à chaque pas fait dans cette île.

“On sort ?” Proposa Ava. Elle se dirigea vers l’extérieur et soupira en voyant que la pause était fini. Elle se tourna vers Mélusine et elle se balança un instant sur un pied puis l’autre. “Est-ce que tu veux qu’on échange nos numéros, pour rester en contact ? ça pourrait… être sympa de se refaire ça de temps en temps, histoire de sortir et décompresser ?”.

Ava  se mordit la lèvre en souriant. Elle espérait vraiment que Mélusine soit son ami. En arrivant ici, elle avait bien sûr eu la grande chance de rencontrer Mira, qu’elle était très heureuse de connaître - ne serait-ce parce qu’elle était un dragon trop cool et que si elle était en danger, elle pourrait appeler au secours - mais à part elle, elle ne connaissait pas grand monde. Elle avait bien sûr rencontré un inquisiteur gentil, mais elle avait dû mal à réellement faire confiance à cette… Église blanche. Déjà le nom ne lui donnait pas confiance.

Elle sortit de ses pensées pour regarder la rousse et se tordit les doigts d’appréhension. Elle était toujours maladroite et espérait faire bonne impression, mais elle savait qu’elle pouvait paraître complètement gauche ou mal-à-l’aise. Mélusine, cependant, semblait véritablement adorable, elle sentait qu’elle pouvait lui faire confiance, et elle voulait la garder dans ses contacts. Si jamais il devait lui arriver quelque chose, Ava voulait être sûr que Mélusine puisse l’appeler (même si elle ne servirait pas à grand-chose), ou qu’elle-même puisse avoir quelqu’un a appelé au cas où Mira ne répondrait pas.

Ava sentit un gros poids s’effriter dans son coeur quand Mélusine accepta d’échanger son numéro avec elle. Elle semblait ne plus se méfier d’elle, et elle était si heureuse ! Ayant perdue la mémoire, Ava ne se souvenait pas de comment elle avait pu être avec d’autres. C’était comme repartir de zéro, vierge de tout mauvais souvenir, de tout tracas.

Pour autant, un sentiment de profond malaise restait bien ancré en elle. être auprès des autres lui donnaient des bouffées d’angoisse, et le médecin lui avait dit qu’elle était sans doute agoraphobe. Sans doute qu’elle avait été associale avant d’arriver sur l’île. Mais Ava ne voulait pas rester enfermée dans ce cercle vicieux. Elle savait qu’elle n’aimait pas le monde, et parler aux étrangers. Mais est-ce qu’elle devait rester enfermée dans cette idée ?

Ava avait fait tous les efforts du monde pour essayer de parler à Mélusine et de lancer des conversations. Heureusement, être dans un milieu qui la captivait était un bel atout, parler de film était si simple pour elle. Elle fut très heureuse de voir que Mélusine partageait plutôt bien ses intérêts. Elle apprécia d’autant plus la rousse lorsqu’elle lui parla de son arrivée sur l’île. Un cauchemar qu’elle avait vécu directement. Quelque chose qu’elle craignait terriblement.

En voyant des images des gardiennes revenir dans sa mémoire, elle secoua la tête. Elle ne devait pas avoir peur. Certes, sur cette île, il y avait des êtres d’une puissance incroyable. Mais qu’importe. Elle avait après tout Mira qui était là. Qui pourrait bien battre une dragonne après tout !

Ava fut sortit abruptement de ses pensées lorsque Mélusine lui parla avec son coeur. Le sien, d’ailleurs, manqua un battement. Elle ne s’attendait pas que Mélusine soit si contente de l’avoir rencontrer. Ava devint toute rouge et, pour adoucir son malaise, elle blagua, un grand sourire aux lèvres : “Je ne pensais pas croiser quelqu’un qui aurait une poisse plus grande que la mienne, sincèrement. C’est possible que ma poisse combiné à la tienne a fait que notre rencontre s’est faite naturellement !”.  

Ava espérait que sa blague ne soit pas mal prise, elle ne savait pas bien si c’était un sujet sur lequel elle pouvait rigoler. Mais Mélusine elle-même avait l’air d’en rire : super pouvoir ou malédiction. Après tout, quel était véritablement la différence entre les deux ? Si ton super pouvoir était d’être aimanté, était-ce une chance pour utiliser les métaux à ta guise ? Ou une malchance parce que ceux-ci même t’utilisaient à leur guise également ?

Mélusine lui proposa alors d’aller s’installer pour aller boire quelque chose. D’abord surprise, Ava resta sans voix un instant. Peut-être Mélusine crut qu'Ava la repoussait puisqu’elle ajouta aussitôt : “Enfin, si ça ne te dérange pas, bien sûr”. Ava secoua rapidement la tête et souria : “Non, bien sûr, avec plaisir ! C’est gentil de proposer. à vrai dire… ça fait une paye que je n’étais pas sortie et… oui, faisons ça. Est-ce que tu veux un café ou quelque chose au centre commercial par exemple ?”.

Ava se frappa soudain le crâne avec le plat de sa main. “Non, excuse-moi, tu essaies d’être discrète, c’est pas l’idée du siècle ça…”. Ava réfléchit en se mordillant la lèvre avant de s’écrier : “Oh ! Sinon, faisons ça chez moi ! J’ai un appartement petit et discret, bien caché !”. Ava prit la main de Mélusine et elle l’emmena avec elle. “Je peux t’offrir de quoi boire, j’ai fait les courses hier. J’ai du thé, du café, des boissons gazeuses, plate, du sirop… J’ai même acheté des bières… Mais en plein après-midi, ça craint un peu de boire !”.

Ava souria à Mélusine tandis qu’elle l’emmenait jusqu’à chez elle. Elle discuta avec elle tout le long du chemin et trouva enfin son chez soi. “Tiens, la petite porte en bas de ces marches, c’est mon studio. Bienvenue !”.