Le Maître de l'Étoile Rouge [PV Reika]

Dimma
Dökkhönd

L'autre

Le maître de l'Étoile Rouge

Dimma fut traîné sur une distance qu’il n’aurait su estimer. Élodie le trimballait derrière elle, ligoté à son fauteuil roulant, comme elle aurait trimballé un lourd chariot de provisions : avec exaspération et mauvaise grâce. Le dos ainsi tourné à sa destination, la tête recouverte d’un sac, le corps chahuté par les soubresauts des roues du siège sur le pavé inégal, il éprouvait toutes les difficultés du monde à faire le point sur sa situation.

Dimma s’était retrouvé sur un navire, secouru par nul autre qu’Élodie, une femme qu’il pensait disparue à jamais. Le panorama qui l’entourait ne ressemblait en rien à ce qu’il connaissait (tout du moins jusqu’à ce qu’on lui fiche un sac sur la tête). C’était à peu près tout, ce qui était franchement maigre, à la réflexion.

L’air devint subitement plus lourd et fétide. C’était même une véritable puanteur. Est-ce que… est-ce qu’elle l’emmenait dans les égouts ?

Déjà que son costume bourré d’eau de mer commençait à le démanger sévèrement, voilà à présent qu’Élodie l’entraînait dans les égouts. Cette journée qui avait commencé par une trahison, sa lente mort par noyade placardé sur un débris, un bateau percuté de plein fouet, et une résurrection par défibrillateur, devenait vraiment bizarre, à partir de maintenant.

L’autre se terrait-il vraiment ici ?

Cela lui ressemblait bien, c’était tout à fait son genre. Pour un individu qui avait passé le plus clair de son temps enchaîné dans une geôle souterraine, c’était sacrément ironique qu’il se terre de son plein gré dans les égouts. Toujours rester caché, dans l’ombre, à tirer les ficelles de ses agents depuis la sécurité de ses coulisses distantes.

Dimma réalisa qu’il avait cessé de rouler. Il n’avait pas entendu Élodie s’éloigner non plus. Il était juste là, ligoté à son fauteuil, des vêtements urticants sur le dos, un sac étouffant sur la tête, et encore une fois, il attendait. Il essaya de se fier à ses autres sens, principalement l’ouïe, puisque son odorat était encore empuanti par les émanations des égouts. Il essaya de se concentrer pour repérer des crépitations électriques, ou des grincements métalliques, qui auraient pu l’aider à mieux se situer, toutefois il était encore trop éreinté par ses récentes épreuves pour parvenir à pleinement canaliser sa volonté.

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❝ La fin de la magie est la solution. ❞

Le Maître de l’Étoile RougeRenard ne devrait pas tarder à arriver et lui faire un rapport détaillé des nouveaux arrivants à Azuola. Cette femme est sanguine, mais elle a une capacité d'adaptation très appréciée pour son projet. Une simple humaine certes, mais discrète et méticuleuse, capable de réparer mécanique et organique... et surtout ponctuelle. En général. Le simple fait qu'elle ait un retard lui donne l'indice que quelque chose s'est passé lors de la mission. Reste à savoir quoi, et à quel degré de gravité. Reika n'est pas nerveux, peu importe le problème qui se présentera à lui, il y aura toujours une solution. Son expérience, ses années d’existence l'aident grandement à se préparer à toute éventualité.

On lui annonce enfin le retour de Renard. Elle n'est pas seule. Elle aurait avec elle un homme dans un siège roulant, ligoté et la tête cachée par un sac. Ce qui est plutôt étrange pour lui car... Si elle avait ramené un adepte, la précaution de ne pas lui donner l'opportunité de voir où se trouve le QG serait inutile. A moins que... Ce soit un ancien adepte, et il n'a pas trente mille anciens adeptes encore vivants. Non, il n'a souvenir d'avoir commis cette erreur qu'une fois. C'est donc avec ces hypothèses qu'il va à la rencontre de Renard, d'un air plutôt grave. Il espère avoir tort, mais il ne voit pas d'autres explications.

Malheureusement ses craintes se confirment, il reconnaît cette silhouette... Il lève son regard vers la jeune femme.

« Tu peux nous laisser Renard. Je m'en occupe. »

Sans cérémonie elle quitte la pièce après lui avoir donné le masque du prisonnier, laissant les deux hommes a présent seuls. Reika laisse un temps de silence à le fixer encore un moment, se préparant psychologiquement à devoir faire face à ses regrets et au fait qu'il a complètement abandonné cet enfant depuis ce jour fatidique. Il soupire bruyamment, range le masque dans le revers de sa cape et enlève le sac de la tête de son enfant déchu. Il ne sait même plus comment appeler cette... personne ?

« Que fais-tu ici ? Et je t'en prie, épargne-moi cette réponse évidente comme quoi c'est Renard qui t'a emmené ici. Je te conseille vivement de ne pas me prendre pour un imbécile. Il en va de ta survie. Ta survie, à présent, ne dépend que de moi. »

Il a ce pouvoir de vie et de mort sur lui en ce moment-même. Qu'il devienne une gardienne ne le dérange pas, tant que ça se fait dans un lieu isolé et loin de la ville. Stirbjorn a échoué dans sa tâche de toute évidence, il ne s'était jamais senti capable de s'en charger lui-même. Il a comme un sorte d'espoir que... Meyvant soit enfin de retour, même s'il en doute. Son regard en tout cas ne lui indique pas que ce soit le cas. Que faire ? Dès que cela concerne ses enfants, le contrôle lui échappe toujours...

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Dimma
Dökkhönd

L'autre

Le maître de l'Étoile Rouge

On lui arracha subitement le sac de la tête, et Dimma fut à peu près sûr que quelques mèches de ses cheveux lui furent ôtées dans le même mouvement. Il battit instinctivement des paupières pour s’habituer à la lumière ambiante, toutefois il réalisa qu’il se trouvait dans une pénombre à demi-assumée, et que ses yeux ne craignaient pas d’être ébloui.

— Que fais-tu ici ?

Dimma leva le regard, et remarqua la présence de l’autre.

Il était là, droit comme un piqué, le dominant de toute sa taille, ce qui n’était pas bien difficile, compte tenu que Dimma était assis. Tout de même, de son mètre quatre-vingt, il lui paraissait titanesque. Il planta ses yeux bleu pâle droit dans ceux à la sclère sombre de l’autre.

Dimma ne répondit rien immédiatement. Quoi, ne savait-il pas que c’était Renard qui l’avait emmené ici ?

— Et je t’en prie, épargne-moi cette réponse évidente comme quoi c’est Renard qui t’a emmené ici.

Manifestement, si.

— Je te conseille vivement de ne pas me prendre pour un imbécile. Il en va de ta survie. Ta survie, à présent, ne dépend que de moi.

Dimma regarda autour de lui, puis il se redressa du mieux qu’il le put dans le fauteuil pour détendre ses muscles. Le tissu devenu abrasif de ses vêtements commençait à sérieusement à le déranger. Il se concentrer sur le métal qui composait le fauteuil roulant. Classique, léger, facile à plier.

— Où veux-tu en venir, précisément ? finit-il par demander. J’ignore ce qu’est cet “ici”. Je suis simplement passé de “sous l’eau” à “dans l’infirmerie d’un chalutier” à “ma tête dans un sac” pour finir “dans cet égout”. Je suis tout à fait ouvert à répondre à ta question, mon ami, toutefois il va falloir te montrer plus spécifique. Je n’ai…

Dimma grimaça et grogna. L’effort lui en coûta, toutefois il réussit à contorsionner la fauteuil pour qu’il puisse se glisser hors de ses liens. Il tomba à quatre pattes par terre, lâcha un bref soupir de douleur car il s’était réceptionné sur son bras malade, et mit quelques secondes à s’en remettre. Il se redressa alors complètement, bien qu’il tangua quelque peu en arrière.

— Je te prie de bien vouloir me pardonner pour ce triste spectacle. Ma journée n’a pas exactement été des plus radieuses. J’imagine que tu peux remercier Stirbjórn pour cela.

Dimma s’étira la nuque et, croisant les mains dans le dos (doucement, pour ne pas davantage exciter sa blessure), observa ses alentours.

— C’est gentil, chez toi. Un peu souterrain, à mon goût, mais je suppose que c’est dans les ténèbres les plus absolues que l’Étoile Rouge brille le plus intensément.

Il planta de nouveau son regard dans les yeux sombres et les iris d’un or pâle de l’autre.

— Depuis combien de temps te terres-tu ici ? Un an ? Dix ans ? Cinquante ? Cent, peut-être ? Tout ce temps, j’ai cru que tu me masquais ta présence, mais en vérité, tu étais simplement… ”ici”, comme tu le dis si bien.

Il se laissa aller à un petit ricanement caustique.

— Tu étais simplement ”ici”, répéta-t-il comme s’il venait de saisir juste maintenant la chute d’une histoire drôle.

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❝ La fin de la magie est la solution. ❞

Le Maître de l’Étoile RougeReika dévisage de haut en bas l'enfant qu'il a autrefois chéri. Il voit très rapidement ses ecchymoses et conclut qu'elles proviennent sans doute de Renard ainsi que de son arrivée à Azuola. Il guette ses moindres faits et gestes et remarque sans mal sa tentative de se libérer, et n'est en rien surpris quand il y parvient. Il sait par habitude que ce n'est pas un simple cordage sur un fauteuil fait en fer qui l'arrêtera. Il a beau se répéter encore et encore qu'il a le droit de vie et de mort sur son interlocuteur, il ne parvient pas à réellement se décider. Comme s'il avait encore ce futile espoir de revoir un jour cet homme avec des sentiments, abandonner ce projet qui l'a poussé à le bannir et l’empêcher de le suivre ici. C'est avec un petit rictus qu'il l'écoute parler et agir, ses réactions et arguments n'avaient plus vraiment de secrets pour lui, il est devenu prévisible. Il reste cependant sur ses gardes. Le maître de l’Étoile Rouge a totalement conscience qu'il a ne serait-ce qu'une petite idée d'où il se trouve. Sinon Stirbjorn n'aurait pas tenté de le tuer. Pour Reika la réponse du beau parleur c'est... Je sais où je suis, je ne m'attendais pas vraiment à t'y voir, mais je ne te dirai pas pourquoi j'ai tenté de venir en ces lieux.

Il soupire et regrette que son soldat n'ait pas réussi à accomplir sa tâche. Ça rend les choses tellement plus difficiles pour lui.

Reika fixe Meyvant, toujours sans savoir s'il reste encore une parcelle de cet homme. Le djinn ne perd pas la face, c'est lui qui pose les questions et non pas l'inverse. La provocation de son interlocuteur ne lui fera pas perdre le contrôle et son calme. Il sert le masque du revers de sa cape et fait mine de l'examiner.

« Toujours ces même méthodes de runes... »

Puis il tire rapidement son regard sur lui et penche la tête sur le côté rangeant lentement le masque contre sa poitrine.

« Qu'en est-il de tes... Choses ? Ces créatures abjectes que tu avais décidé de créer derrière mon dos ? »

Il se met à se déplacer pour tourner autour de son interlocuteur tel un fauve qui surveille sa proie. Garder son calme, ne pas lui répondre, poser uniquement des questions et analyser son monologue pour avoir ses réponses.

« Et aussi... Qu'avais-tu l'intention de faire pour malencontreusement te retrouver... Sous l'eau comme tu le dis si bien ? »

Il ne laisse transparaître aucune empathie pour l'état de Dimma, il n'avait pas besoin de masque pour cela. Deux mille années d’existence lui suffisent amplement pour avoir la capacité de porter un masque invisible aux yeux de tous. Et ce n'était pas cet enfant déchu qui allait parvenir à le briser, aussi malin qu'il soit.

« Il y avait bien un but pour ce voyage qui a poussé Stirbjorn à agir comme je le lui ai demandé. Reste a savoir quoi, et là tu sauras ce qu'est le ici. »

Il continue à lui tourner autour et surveille le moindre geste corporel pour agir ensuite en conséquence. Pour lui c'est comme essayer de désamorcer lentement mais sûrement une bombe humaine. Il n'a pas su la désamorcer il y a des années, peut-être y parviendra-t-il cette fois-ci grâce au recul qu'il a pu avoir grâce à cette longue absence ? En restant encore plus sur ses gardes cette fois.

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Dimma
Dökkhönd

L'autre

Le maître de l'Étoile Rouge

Le regard de Dimma s’aiguisa considérablement quand il aperçut l’autre sortir un objet du pan de sa cape. Un masque. Son masque.

— Toujours ces mêmes méthodes de runes…

L’autre avait dit cela d’un ton vaguement méprisant. Dimma s’en serait sacrément offusqué s’il avait récupéré la totalité de ses capacités, donc il laissa passer la demi-insulte pour le moment.

— Qu’en est-il de tes… choses ? Ces créatures abjectes que tu avais décidé de créer dans mon dos ?

L’autre commença à lui tourner autour. Lentement, à la façon d’un prédateur. Dimma ne réagit pas à cela, se contentant de le suivre du regard. Il connaissait bien cette technique d’intimidation puisqu’il l’avait lui-même employée à plusieurs reprises, toutefois dans le cas présent il considérait presque cela comme un aveu de faiblesse tacite. La démonstration que l’autre ne maîtrisait pas la situation autant qu’il l’aurait voulu, et qu’il devait ainsi recourir à une autre tactique que la confrontation directe.

À moins que ce ne fût pour l’inciter à baisser sa garde…

— Et aussi… Qu’avais-tu l’intention de faire pour malencontreusement te retrouver… sous l’eau, comme tu le dis si bien ? Il y avait bien un but pour ce voyage qui à poussé Stirbjórn à agir comme je le lui ai demandé. Reste à savoir quoi, et là tu sauras ce qu’est le ici.

Dimma ne put s’empêcher de froncer les sourcils. C’était une information extrêmement importante que l’autre venait de laisser filtrer au travers de son interrogatoire. Tout cela signifiait qu’aucune communication, quelle qu’elle fût, n’était possible entre ici et… “là-haut”, à défaut d’un meilleur terme. Cela signifiait par conséquent que Stirbjórn n’avait pas pu le prévenir des avancées de Dimma dans ses recherches, et que l’autre n’avait pas pu lui transmettre d’ordre. Mathématiquement, le plan de le poignarder dans le dos remontait à des lustres, avant que l’autre ne disparaisse de la surface de la Terre. Une machination mise en place des années, des décennies en arrière, juste “au cas où”. Un plan digne de l’autre, en effet. Dimma le lui concéda volontiers.

L’autre ne cessait de lui tourner autour, rapace à l’appétit obscène virevoltant au-dessus d’une carcasse décharnée. Les épaules de Dimma se soulevèrent puis s’abaissèrent lorsqu’il émit un soupir las, plus proche du râle que de l’exhalaison.

— Tu portes un regard bien critique sur mon parcours de vie, mon ami. Tout ce que j’ai accompli, en bien comme en mal, je te le dois. Ces créatures abjectes n’ont-elles aucune place dans ton cœur, alors que je n’ai fait que reproduire l’expérience qui a donné vie à tes enfants ?

Dimma se retourna enfin pour accrocher le regard de l’autre.

— La seule différence entre tes enfants et les miens réside dans le modèle d’origine. Toi… et moi. Ton sang et mon sang. Ces créatures abjectes sont autant tes enfants que mes enfants, ne serait-ce que symboliquement. Ton séjour ici-bas t’a changé, mon ami. Jadis tu les aurais accueillis en ton sein, et non pas rejetés avec une telle froideur. Tu seras ravi d’apprendre, dès lors, qu’aucun d’entre eux n’a survécu.

Aucun. Sauf un. Celui-là même qui l’avait pourchassé jusqu’ici, avant que les profondeurs abyssales les séparent, et encore il s’agissait davantage d’un rejeton indirect.

Dimma dévia légèrement le regard sur le côté.

— J’admets que ce… projet était une erreur. Il en a peut-être résulté plus de douleur que de plaisir, pour toutes les parties impliquées. C’est ce qui m’a motivé à remonter la piste jusqu’à… ”ici” justement. Jusqu’à toi.

Il replongea son regard dans celui de l’autre.

— C’est toi qui m’as inspiré, qui as attisé ma curiosité. Parmi tout ce que je savais sur toi, certains éléments étaient entièrement oblitérés, si méthodiquement, si absolument, que cela sautait aux yeux que tu souhaitais cacher quelque chose. Cela m’a obsédé. Tu avais découvert quelque chose de si fabuleux, de si fantastique que tu voulais me dissimuler. Et tu souhaitais dissimuler…

Dimma observa les alentours, leva les bras puis les laissa retomber contre son corps, ses mains claquèrent contre les vêtements imprégnés d’humidité et résonnèrent dans la pièce. Il grimaça quelque peu à cause de la douleur dans son bras, même s’il la surmonta facilement.

— Un égout. Tu souhaitais dissimuler un égout. Prononcé ainsi à voix haute, cela paraît résolument déboussolant. Plaisanterie à part, je crois que j’ai été attiré ici exactement pour les mêmes raisons que toi. Et nous revoilà face-à-face après tout ce temps passé. Ne trouves-tu pas ironique que nos chemins soient ainsi entremêlés ? En voulant m’éloigner de toi, je n’ai fait que suivre tes pas.

Le père dit à ses serviteurs : « Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez ; mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds ; et amenez le veau gras, tuez-le ; et mangeons, festoyons, car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.

Parce qu’il était perdu, et qu’il était retrouvé.

Une bien belle parabole pour le retour d’un fils prodigue qui ne s’était peut-être pas tant égaré que cela…

— Après autant de temps séparés l’un de l’autre, je commence à penser que je ne suis pas si différent de toi.

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❝ La fin de la magie est la solution. ❞

Le Maître de l’Étoile RougeHaussement de sourcils, posture, grimace, tout été bon à prendre. Reika refuse de se laisser avoir une seconde fois, il tente alors de sonder cet homme qui l'a autrefois déçu. Qu'a-t-il réellement en tête ? Pourquoi être vraiment venue à Azuola ? Cherchait-il vraiment à venir sur cette île, est-ce qu'il en connaissait l’existence ? Par habitude, il sait qu'il ne pourra pas avoir des informations sincères de sa bouche ou alors pas sans arrière pensé. Lorsqu'il faisait partie de l’Étoile Rouge, il avait même parfois l'impression qu'il tentait de prendre sa place de leader. Ça l'agace, ça le contrarie, ça bouscule beaucoup trop ses projets et ses plans. C'est ce qui le pousse à cracher ces mots.

« Tu aurais dû faire acteur au lieu de rejoindre l’Étoile Rouge... Tu es doué là-dessus et ça ne compliquerait pas notre but. »

Il s'arrête enfin de marcher et soupire, la tête basse.

« Je veux croire à tes regrets. Car le seul point commun était le fait que tu es devenue le bourreau à la place de celui qui a subi. Tu as fait souffrir inutilement des personnes innocentes qui ne pouvaient pas servir notre cause par leur douleur. »

Confiant sur la situation sachant pertinemment qu'il a de toute façon encore cette malédiction de ne pas pouvoir mourir. Il s'approche de celui qu'il a considéré comme son enfant et prend un air faussement navré.

« Savoir que c'est moi qui t’aie inspiré à faire une telle erreur me navre. Ma faute est sans doute due à la mauvaise image que je t'ai donnée de moi et de notre objectif. Nous voulons supprimer la magie qui est la source de beaucoup trop de maux. Pas en créer davantage comme tu l'as fait, tu aurais dû savoir et comprendre que ça causerait juste plus de problèmes. »

Une fois que Reika est assez près de Meyvant, il saisit son visage pour le forcer à la regarder droit dans les yeux et se tient prêt à la moindre tentative de sa part. Il prend des risques volontairement pour savoir ce qu'il en est de lui. S'il est dans l'optique de le poignarder dans le dos ou de faire de nouveau de grosses erreurs qui ne sont pas à l'image de l’Étoile Rouge.

« Est-ce encore ton but aujourd'hui Meyvant ? Enfin... Si ce nom te sied encore, car j'en doute. Meyvant n'est plus depuis un moment maintenant. Mais tu nous as jamais dit comment te nommer à présent. Est-ce que la personne devant moi, que je regarde dans les yeux à le même but que moi ? Cherche-t-il lui aussi la paix absolue en éliminant son mal qu'est la magie ? »

Il lâche son visage, mais ne recule pas pour autant toujours sur ses gardes vérifiant le moindre geste et sa réaction. Il veut être certain, il veut savoir s'il ment, il veut connaître ses intentions réelles. Il veut lui laisser une seconde chance tout en restant sur ses gardes. Son amour pour ses enfants, un jour, le perdra...

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Dimma
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L'autre

Le maître de l'Étoile Rouge

— Tu aurais dû faire acteur au lieu de rejoindre l’Étoile Rouge… Tu es doué là-dessus et ça ne compliquerait pas notre but.

Oui, alors que l’autre n’était doué en rien. Et cela ne compliquait pas son but, en effet, car son but ne décollait jamais de toute façon.

— Je veux croire à tes regrets. Car le seul point commun était le fait que tu es devenu le bourreau à la place de celui qui a subi. Tu as fait souffrir inutilement des personnes innocentes qui ne pouvaient pas servir notre cause par leur douleur.

Dimma retirait son précédent commentaire. L’autre était effectivement doué dans un domaine : le radotage moralisateur.

— Savoir que c’est moi qui t’ai inspiré une telle erreur me navre. Ma faute est sans doute due à la mauvaise image que je t’ai donnée de moi et de notre objectif. Nous voulons supprimer la magie qui est la source de beaucoup trop de maux, pas en créer davantage comme tu l’as fait, tu aurais dû savoir et comprendre que ça causerait juste plus de problèmes.

L’autre lui saisit soudain le visage et serra les doigts. Dimma sentit le bout de ses ongles attaquer la chair de ses joues et de son menton. Ils s’enfonçaient dans sa figure, l’égratignant et la perçant. Dimma fit de son mieux pour conserver son stoïcisme, il ne s’était pas attendu à une si soudaine démonstration de domination, mais rapidement il l’accepta et s’y soumit. Pas trop vite, pour ne pas éveiller de soupçons, même si l’autre en éprouverait toujours à son égard.

— Est-ce encore ton but aujourd’hui, Meyvant ? Enfin… si ce nom te sied encore, car j’en doute. Meyvant n’est plus depuis un moment maintenant. Mais tu ne nous as jamais dit comme te nommer à présent. Est-ce que la personne devant moi, que je regarde dans les yeux a le même but que moi ? Cherche-t-il lui aussi la paix absolue en éliminant le mal qu’est la magie ?

L’autre le relâcha mais demeura près de lui, le sondant de ses yeux à la sclère sombre et à l’iris scintillant. Dimma se massa d’abord la mâchoire. L’autre était plus grand que lui, cela l’obligeait à lever la tête pour lui parler.

— Si notre objectif, mon ami, est bel et bien l’extinction de la magie, alors qu’importe les méthodes que nous employons chacun de notre côté ? Nous avons une vision radicalement différente de cette navrante situation, toutefois nous en revenons toujours au même point. Un bourreau agit sans arrière-pensée, sans se soucier de la mort de ses victimes. Je ne suis pas un bourreau. Ce que j’ai accompli, je l’ai fait pour sauver des vies. Je l’ai fait pour que des gens comme Renard, comme Stirbjórn, comme tant d’autres, ne gaspillent pas les leurs. Si pour sauver cent vies, je devais en sacrifier quatre-vingt-dix-neuf, dont la mienne, alors je le ferais sans hésiter.

Dimma s’écarta de l’autre, lui tourna le dos, et tendit la main en direction du fauteuil délabré. Un morceau de ferraille d’une dizaine de centimètres s’en détacha et vint voleter entre ses doigts. Le regard de Dimma se concentra dessus, sur l’éclat terne du métal déchiqueté.

— L’extinction de la magie… Toujours le même discours, les mêmes palabres. Regarde-toi, regarde-nous. Depuis que j’existe, la magie torture, ravage, détruit. Cela fait près de, quoi, deux cents ans que j’existe. Que ce… Meyvant inconnu m’a donné la vie. Je crois. Il l’a fait parce qu’il croyait en ta cause, et plus important encore…

Dimma se retourna et fixa Reika droit dans les yeux.

— Il croyait en toi, père.

La gorge de Dimma se boucha soudain, comme si ses poumons avaient doublé de volume et obstruaient désormais sa cage thoracique, forçant le cœur à remonter le long du larynx.

— Mais Meyvant est mort. Je ne suis pas Meyvant. Je suis son héritage, je suis l’arme qu’il t’a léguée, qu’il t’a offerte pour que tu m’utilises afin de réaliser son rêve. Au lieu de cela, tu m’as laissé m’émousser, rouiller, car tu fermais les yeux sur l’inéluctabilité de notre quête. De ta quête.

Dimma étendit les bras pour montrer toute la pièce.

— Regarde donc cela, Reika ! Regarde donc tout cela ! La magie est un mal, la magie est une erreur, la magie tue des gens ! Justement, Reika : la magie tue des gens ! Et en j’ignore combien d’années depuis notre séparation, tu en es toujours au même stade que moi : au point mort. Tu as reçu un don d’immortalité, mais c’est aussi ta plus grande malédiction, car si pour toi le temps n’est rien, ce n’est pas le cas de ceux qui nous entourent. Pendant que nous devisons ici dans ce cachot sordide, que nous discutaillons, si je suis ou non digne de confiance, si je me repens, pendant cela, Reika, des dizaines de gens meurent à cause de la magie.

Dimma déchira soudain le morceau de ferraille en deux et les projeta de part et d’autre de la pièce. Les débris heurtèrent les murs et tombèrent sur le sol dans un bruit de casserole pliée et broyée. Sa voix s’érailla avec l’émotion :

— Des dizaines de gens meurent à chaque heure qui passe ! Même sur ma voie, j’ai œuvré pour éviter cela ! Et tu oses me demander si c’est bien mon but encore aujourd’hui ? Tu es immortel, tu as le temps de réfléchir à de telles conceptions abstraites, mais ces gens, ces maudits et ces victimes, n’ont pas ce luxe. Qui je suis ? Je suis une partie de cette force qui, éternellement, veut le mal, et qui, éternellement, accomplit le bien, Reika. J’endosse ce rôle du monstre car il faut être un monstre pour réaliser notre rêve.

La poitrine de Dimma se soulevait et s’abaissait sous l’effet de sa respiration rauque.

— Alors maintenant tu dois te décider, une bonne fois pour toutes. Prends ta décision à mon sujet, car c’est bien ce que tu fais, n’est-ce pas ? Tu me jauges pour savoir s’il faut m’éliminer en cet instant ou pas. Je le sais car tu auras beau le nier, dire que tu es en faute et que ce que je suis n’est qu’une conséquence malheureuse de cette faute, je le sais car toi et moi nous sommes pareils. Père. Je lis dans tes yeux la même noirceur qui habite les miens. Je suis le seul dans ce monde, dans cet univers, qui puisse te comprendre, car tes doutes et tes convictions, je les vis moi aussi au quotidien. Parmi tous tes adeptes et tous tes fidèles, je suis celui qui incarne le mieux la volonté de l’Étoile Rouge. Toi et moi, nous sommes l’Étoile Rouge.

Dimma attendit quelques secondes, le souffle court, puis il se mit à genoux.

— Fais ton choix. Si tu dois, si tu veux me tuer, fais-le de tes propres mains, et assure-toi qu’à l’instant où j’expirerai, la magie cessera d’exister, car je refuse de mourir alors que d’autres personnes moins fortunées que moi continueront de souffrir.

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❝ La fin de la magie est la solution. ❞

Le Maître de l’Étoile RougeLa provocation afin de pouvoir mieux le cerner, ça fait si longtemps qu'il n'a pas vu ce fils qu'il a renié, qu'il n'a plus de certitude concernant ses réactions. Il n'a en mémoire que Meyvant, ce fils dévoué et prodige qui s'est infligé un mal qui a fait place à cet individu en face de lui, qui pour le moment, a la prétention de se présenter comme une arme. Cette même ''arme'' persifle des propos à la fois sensés et insensés. Tuer tout le monde pour la survie d'une seule personne ? Ça n'avait absolument pas de sens pour Reika. Il ne sait pas comment, ni pourquoi est-ce que cet individu en face de lui en est arrivé à une telle absurdité. Mais il fallait surveiller ça à tout prix, il peut être avantageux tout comme dangereux pour leur quête. Il est cependant d'accord sur un point, ça prend du temps, trop de temps. Mais ils sont bien plus proches du but que ce que Dimma peut s'imaginer.

C'est alors qu'il le provoque, afin de s'assurer de ses réelles intentions. Autant physiquement qu'oralement. Il faut croire que ça a totalement fait son effet car le comportement de son interlocuteur change radicalement. Déjà, il l'a soudainement appelé, père. Un changement qu'il remarque très rapidement car il n'a jusqu'à présent, pas eu le comportement d'un fils. Cependant, ne voulant montrer aucune faiblesse ni empathie pour le moment, il ne laisse rien paraître et le laisse parler et réagir. Il ne manifeste même pas un quelconque mécontentement lorsqu'il détruit le fauteuil roulant. Des grands discours, forts en émotion, de la colère. Il lâche un petit rictus lorsqu'il l'accuse sans fondement d'être au point mort. S'il savait... S'il savait à quel point l’Étoile Rouge n'a jamais été aussi près de leur objectif. Il reste quand même attentif au discours de Dimma avec un léger sourire qu'il garde sur son visage. Il prend la parole qu'une fois qu'il a terminé d'un ton beaucoup plus calme et légèrement amusé.

« Et bien, si je ne suis pas convaincu après tout ça je ne sais pas ce qu'il faudra de plus. Il est triste que la confiance soit difficile à acquérir et pourtant si facile à perdre. C'est un bien précieux. »

Toujours dans ce même calme il se dirige vers la porte et touche la poignée pour enfin croiser de nouveau le regard de celui qu'il a jadis considéré comme un fils.

« Tu peux y aller, je vais cependant te mettre en garde. Tu n'es plus dans le monde que tu as connu jadis. Ici, si l'on meurt, notre corps devient un soldat pour la magie et notre esprit rejoint la magie. Allié ou non, ayant malgré tout le même objectif, je me dois de te prévenir à ce sujet. La mort ici est une abomination pour nous, elle nourrit notre ennemi commun. »

Il finit par ouvrir la porte et lui fait signe de partir. Une fois que c'est fait et qu'il est assez éloigné et qu'il s'assure à ce qu'on lui fasse visiter le QG, Reika se dirige vers un garde et lui murmure dans la plus grande discrétion.

« Je veux qu'on le surveille et qu'on me rapporte tout ce qu'il fait pour ou contre l'Etoile Rouge. Il en va du bien de notre organisation... »

Il ne peut pas encore lui faire entièrement confiance, ses actes passés ont tristement prouvé que malgré leur ressemblance, ils ne sont pas d'accord sur... la méthode à employer.

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L'autre

Le maître de l'Étoile Rouge

— Et bien, si je ne suis pas convaincu après tout ça je ne sais pas ce qu'il faudra de plus.

De l’argent. Des femmes. La parole de Dieu ?

— Il est triste que la confiance soit difficile à acquérir et pourtant si facile à perdre. C'est un bien précieux.

Dimma déploya toute l’immensité de sa concentration pour se retenir de rétorquer un mot narquois. Il était absolument stupéfiant d’entendre l’autre débiter de telles platitudes. De telles généralités. Soudain, il fit l’impression à Dimma d’un couteau émoussé. Quelque chose qui, au premier regard, était effrayant, dégageait une aura de danger imminent, mais qui, une fois examiné de plus près, s’avérait tristement incapable d’être à la hauteur des horreurs que l’esprit imaginait.

— Tu peux y aller, je vais cependant te mettre en garde.

Allons bon.

— Tu n'es plus dans le monde que tu as connu jadis.

Quelle éblouissante révélation.

— Ici, si l'on meurt, notre corps devient un soldat pour la magie et notre esprit rejoint la magie. Allié ou non, ayant malgré tout le même objectif, je me dois de te prévenir à ce sujet.

Intéressante… digression… à défaut d’un meilleur terme.

— La mort ici est une abomination pour nous, elle nourrit notre ennemi commun.

Très… très bien… eh bien d’accord, dans ce cas…

Cela devenait presque gênant, un peu comme voir son plus proche parent succomber à la démence. Si Dimma, en bon fils aimant, était resté à ses côtés, il n’aurait pas remarqué ces petits détails qui trahissaient la chute inéluctable de son ancêtre vers la sénilité gâteuse. Pourtant avec un tel écart entre aujourd’hui et son dernier (et houleux) échange avec Reika, il percevait ces changements de façon plus nette. Plus tranchante. Il en ressentait presque une pointe de tristesse amère.

Reik… l’autre ouvrit la porte, et invita Dimma à sortir. Celui-ci n’était pas entièrement ignorant en matière d’étiquette, aussi savait-il partir quand on le lui demandait. Il se releva lentement, péniblement même à cause de sa blessure et, accordant un dernier regard à l’autre, s’en fut en traînant la patte.

Seul dans les couloirs d’un repaire qui lui était complètement inconnu, Dimma laissa son esprit vagabonder. Reika avait raison sur un point essentiel : il n’était plus dans le monde qu’il avait connu jadis. Dimma devait apprendre et évoluer en conséquence.

Pareil pour son étrange sermon sur les soldats de la magie. Cela l’inspirait. Mourir pour survivre… Voilà qui était très intéressant…

Dimma sut à cet instant qu’il devrait disparaître pour céder la place à quelque chose de neuf. De…

Il s’arrêta et contempla sa main nue, la paume tournée vers le visage. C’était ainsi qu’il était né, après tout… il pouvait également y mettre un terme aussi. En quelque sorte, la fin de Dimma Dökkhönd serait synonyme d’un nouveau départ. Un nouveau départ entièrement différent, une nouvelle vie, une nouvelle existence, une nouvelle… personnalité… Quelque chose d’autre, quelqu’un d’autre que lui, Dimma Dökkhönd, ne pourrait jamais accomplir dans ce monde, dans cet univers. Il ne voulait pas, il refusait de subir la même dégénérescence que l’autre.

Dimma cesserait d’exister.

Il referma le poing et le serra à s’en blanchir les jointures.

En temps voulu.

Il cesserait d’exister en temps voulu.

Dimma ne vivait que pour accomplir la volonté de la personne qui l’avait précédé. Cet inconnu, ce halo nébuleux et flou sur lequel il ne réussissait jamais à mettre un visage… en dépit d’arborer le même.

Il allait reprendre sa marche mais il s’interrompit, le pied en l’air. Il le reposa, doucement, pour vérifier ce qui n’allait pas, et porta machinalement le doigt à sa figure. Il en regarda la pulpe, incrédule.

Une…

Une larme ?

Il en demeura stupéfait. Il n’avait rien senti dans son corps qui mécaniquement l’eut mené à un sanglot, encore moins un pleur. Du revers de la manche, il essuya le sillon humide qui fendait sa joue crasseuse en deux parts égales, et reprit sa marche.

Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite
Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète ?

- Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu !
Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux,
C’est que demain, hélas ! il faudra vivre encore !
Demain, après-demain et toujours ! - comme nous !

Demain il lui faudrait vivre encore.

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» Ouuuuaaah c'est tout bleu!!! ft. Reika Svarnati 18.05.2020
» Chef de l'Etoile Rouge
» La rencontre du bleu et de la rouge [ft. Oniri Khaji]
» L'homme masqué et la mer [PV Adepte de l'Étoile Rouge] [FINI]