Visite des commerces locaux [ft. Noss]

ça faisait une ou deux heures que Noss était installé sur un petit coussin, devant le marchand de tapis qui partageait un siège du même acabit. Pour vous ou moi, on aurait dit qu’il s’agissait d’une discussion amicale : le marchand avait servi un verre de thé à la menthe, brûlant et sucré au point de faire tenir une cuiller bien droite dans le petit gobelet en métal. Bien sûr, le thé était pour le moment intouché, de même que le plateau de gâteaux à côté d’eux. Noss avait déjà bu son premier verre au début de sa visite, le verre qui accueillait et qui signalait qu’on pouvait commencer le négoce.

Maintenant, il s’agissait d’échanger des politesses, de commenter le dernier match, la dernière pêche et de, bien évidemment, louer le travail des ouvriers qui avaient fait les tapis -mais pas trop. Surtout, Noss ne devait pas montrer quelle pièce l’intéressait tout particulièrement. Il allait en acheter trois, revendre deux, et garder la pièce qui lui paraissait la plus intéressante.

Les tapis qu’il avait dans la boutique étaient jolis tissés avec des couleurs vives ou avec des poils longs, on aurait adoré se rouler dessus pendant tout un après-midi et lire un bon livre. Ils étaient dans des variations subtiles de motifs légèrement différents, dans des couleurs similaires. Noss les avait examinés poliment, les reconnaissant pour ce qu’ils étaient : des attrape-touristes. Mais ici ou là, il y avait également de vraies choses, des pièces tissées à la main, longuement, dans des ateliers éclairés à la lampe à huile ou à l'électricité maigrelette, par des artisans qui faisaient ça depuis 20 ans, de génération en génération.

C’est sur ces pièces là qu’il avait commenté. Et maintenant, après que le marchand ait parlé des espoirs qu’il avait pour son fils et qu’ils étaient devenus pratiquement amis, il lui ouvrait enfin son arrière-boutique -enfin, l’étage.

Noss passa bien une autre demi-heure à -cette fois- faire son choix, pendant que le vendeur notait ses calculs, les remises pour plusieurs articles achetés, les remises par geste commercial.

Quand ils se séparèrent, le marchand et le rat se frottaient tous les deux les mains, chacun persuadé d’avoir fait une affaire.

Il s’apprêtait à rentrer chez lui mais une voix jeune et tranchante fendit l’air pour venir jusqu’à ses oreilles.

- Fais gaffe gros lard !

Le skaven tourna la tête en direction du bruit. Une jeune fille ? Femme ?

Ah, à la voir se faufiler comme ça, elle n’avait pas pour plan de complimenter sa garde-robe. Il en avait vu beaucoup des comme elles, dans le temps, dans les rues brumeuses.

Pris de nostalgie ou d’intérêt - en tout cas certainement pas en réfléchissant, Noss se mit à la suivre, curieux de voir ce qu’elle ferait et combien de temps elle allait mettre avant de s'apercevoir qu’elle était suivie.

Probablement pas longtemps, vu sa chance.