Cyriacus n’a pas beaucoup dormi cette nuit-là. Il a passé la plupart de son temps à l’Eglise la veille afin de consolider la sécurité, aider les blessés ,heureusement léger puisque le jeune médecin était étonnamment doué, donner des ordres afin de prévoir le rangement de la salle et surtout, surtout ne pas montrer à quel point il était épuisé et que ses membres tremblaient à cause d’une trop forte utilisation de son pouvoir. A vrai dire, il est assez facile de voir qu’il n’était pas bien après la bataille, les morceaux de métaux se collent naturellement à lui et il a dû puiser dans ses dernières forces pour tout remettre en état et surtout au bon endroit. Par chance, dans le feu de l’action, il avait eu la présence d’esprit de ne pas toucher à la ferraille se trouvant dans les cachots. Il ne voulait pas savoir ce qui se serait passé sinon. Il se souvient encore quand il avait ouvert par inadvertance les portes des cellules avec son pouvoir. Déjà, qu’on ne voulait pas de lui là-bas, il avait été finalement définitivement banni de l’endroit même encore aujourd’hui alors qu’il est inquisiteur, les geôliers lui lancent des regards noirs s' il s’approche de près ou de loin à cette partie du bâtiment. Il se sentait un peu comme un enfant qui était puni pour avoir fait une bêtise.

C’était…embarassant.

Alors que la plupart était rentré chez eux, il était resté jusqu’à tard dans la nuit, refaisant le tour du bâtiment pour voir si la sécurité avait bien été augmenté, si les résidents sont bien en sécurité et sauf, si rien n’avait disparu ou était cassé par le tumulte qui s’est produit. Finalement, alors qu’il tournait en rond, il a fini par rentrer pour vérifier si Helga allait bien, il a téléphoné à sa mère en chemin également. L’adrénaline avait disparu depuis longtemps et la tension se dissipait peu à peu. C’est pourquoi, une fois dans sa chambre, il s’était écroulé sans même se changer. Toutefois, ça ne l’a pas empêché de se lever aux aurores, prenant une rapide douche et un rapide petit-déjeuner avant de s’en aller rapidement à l’Eglise. Bien que l’endroit est censé être calme maintenant, il voulait régler les choses, apaiser les tensions le plus rapidement possible afin que l’endroit soit plus paisible.

Il est évident que ce qui s’est produit la veille avait laissé ses marques, même au sein de la faction, même sur lui. Il avait commencé à douter depuis peu, depuis qu’il avait retrouvé Elix, il l’a vu au moment où le Pontife lui a demandé de relâcher la barrière qu’il avait créé, il avait douté. Ca n’a pas été long, ça n’a duré que quelques secondes mais pendant cet instant, il s’est demandé si son supérieur était réellement digne de confiance, s' il pouvait le suivre aussi aveuglément qu’il l’a toujours fait. Puis il s’est fait la réflexion, peut-être que le Pontife n’y était pour rien pour ce qui est arrivé à son ami, il se peut que se soit un inquisiteur qui est après ça. Mais alors il se souvient de ce que lui a dit Miss Eizen et il se retrouve complètement confus. Il était perdu. Il ne sait plus quoi penser, ne sait plus à qui faire réellement confiance dans cette faction. Il sait que cet endroit n’est pas le plus idyllique mais il est certain qu’elle est celle qui aide le plus les gens, contrairement à l’Ordre. Même si maintenant, il sait que l’autre faction n’a rien à voir avec l’enlèvement de Elix, une partie de lui ne peut s’empêcher de continuer à les haïr car malgré tout, ils continuent de faire du mal à beaucoup de personnes. Rien n’était plus important pour lui que le bien être des habitants d’Azuola.

Il soupire alors qu’il se dirige vers le lieu de la réunion, il avait passé une bonne partie de la matinée à écouter le ressenti de ses soldats sur ce qui s’est produit et à réfléchir à un moyen pour augmenter leur réactivité et leur entraînement, ils ont, après tout, été bien trop lent à évacuer. C’est Argyr qui lui avait montré l’article de The Eyes et il lui avait demandé de commencer ses recherches pour savoir qui était l’idiot qui veut commencer à semer la discorde parmi les habitants, ce n’est pas réellement le moment pour eux de perdre de l’influence. Sinon ça va se finir en guerre civile et surtout, l’Ordre risque d’avoir le dessus sur eux et faire encore plus de victime qu’avant. Rien que d’y penser, ça lui donnait mal à la tête.

Il arrive finalement dans la pièce pour se rendre compte qu’il était le premier, et bien, c’est une habitude maintenant, il s’avance dès l’accord de son supérieur.

“Monsieur.”

Puis il prit place à sa gauche, il espérait avoir des réponses lors de cette réunion. Il avait déjà quelques idées pour améliorer ses hommes mais il allait devoir en parler au Pontife avant tout…

Du plus loin qu’il se souvient, son père a toujours porté ce chapeau qui lui est si caractéristique comme si c’était une partie intégrante de lui-même. Enfant, il se rappelle d’avoir profité de l’absence de ses parents et surtout de son grand-père pour rentrer dans la chambre de son père et essayer les divers chapeaux qui était bien trop grand pour le petit garçon qu’il était. A l’époque, il aimait voir son père en porter, c’était rassurant, il avait l’impression que rien qu’avec ça, son père devenait invincible, il avait l’impression d’être en sécurité sans jamais se douter que ce qu’il vivait à ce moment-là chez lui n’était pas quelque chose de normal, que c’était mal. Pourtant, il se rappelle très bien de la réaction de Gladio quand il est finalement rentré dans la pièce pour voir l’endroit remplit de chapeau. Il avait juste ri et ils avaient continué tous les deux à les essayer. C’est le seul souvenir véritablement heureux qu’il a eue avec lui et il ne comprend pas pourquoi ça a autant changé, pourquoi ça s’est empiré. Est-ce parce que son grand-père n’était pas présent dans leur demeure ce jour-là ? Où est-ce parce qu’il n’a jamais été le fils prodigue qu’il voulait tant ? Il imagine qu’il ne le sera jamais, pas qu’il le veuille de toute manière, ça fait bien longtemps qu’il a arrêté d’entretenir l’espoir que son père l’aime. Toutefois, il peut avouer que ça faisait mal malgré tout, car lui, même s' il le déteste de tout son être, il l’aime encore tout autant, c’est contradictoire et ça le dégoûte mais il imagine que c’est normal…Il reste son père après tout.

De ce fait, alors qu’il voit son paternel entré dans la salle de réunion, toujours affublé de son terrible couvre-chef légendaire, il ne peut s’empêcher de ressentir du soulagement. Son père allait bien, il n’a aucune blessure majeure et il semble en pleine forme. Il sait pourtant que c’est le cas, sa mère l’a appelé la veille pour lui dire qu’elle était en sécurité et que son père n’avait pas été blessé. Pourtant, même si le plus jeune inquisiteur garde son visage stoïque, il ne peut s’empêcher de se détendre un peu face à la preuve évidente de la bonne santé de Gladio. Le fait que ce dernier porte fièrement son chapeau en était la preuve. Bien que Cyriacus n’ait toujours pas compris la raison pour laquelle le plus vieux affectionne tant ces fichus couvre-chefs, il y a une certaine forme de réconfort à voir quelque chose d’aussi simple et familier autour de lui surtout en période de crise. Et bien qu’il pense ça, il ne peut s’empêcher d’être dégouté de lui-même pour ressentir ce genre d’émotion envers cet homme. Comment peut-il pardonner si facilement après ce qu’il lui a fait subir durant toute son enfance ? Il sait très bien que son grand-père n’était pas une meilleure personne, qu’il est sûrement même la raison de tout ça mais pourtant il ne peut s’empêcher de rejeter la faute sur son père mais en même temps, il ne peut s’empêcher d’encore chercher son affection et il se déteste pour cela.

On pourrait penser qu’en approchant la quarantaine, il serait devenu indifférent face à l’autre homme pourtant le voilà à se sentir inconfortable sous le regard constant de son père. Le jeune inquisiteur détourne la tête avec énervement, se demandant encore une fois ce qu’il a pu faire pour que l’autre le fixe ainsi. Il sait parfaitement qu’il est encore incompétent, il n’a même pas été capable de protéger efficacement les civils hier, pire, ils ont eu besoin de l’aide de la journaliste pour gérer les fausses gardiennes. Depuis son combat contre Elix, il a bien senti à quel point il était faible et le mois qu’il a passé sans pouvoir s’entraîner à cause de ses blessures n’ont fait qu’empirer la chose. Est-il toujours digne d’être inquisiteur ? Alors qu’il n’est même pas capable de faire son travail efficacement ? Il ferme les yeux pour reprendre contenance, ce n’est pas le moment pour ça, il doit se concentrer sur les problèmes actuels de sa faction, ses soucis d’ordre personnel ne doivent en aucun cas déborder sur ce qui se passe actuellement. Le Pontife a besoin de toute son attention après tout.

Il fait un sourire à Kaito alors que ce dernier s’installe à côté de lui, bien que ce dernier soit bavard, Cyriacus apprécie quand il vient dans son bureau pour parler de tout et de rien. Bien que l’inquisiteur ne le dira jamais, il est bien trop pris par la mer de paperasse qui n’arrête pas de s’entasser sur son bureau. Parfois, il se demande même si son collègue excentrique ne rajoute pas les siens, mais il finit par balayer cette idée car il lui fait suffisamment confiance pour prendre son travail au sérieux malgré son comportement habituel et puis ce n’est pas un méchant bougre. C’est pourquoi, l’avoir à côté de lui le détend et lui permet d’oublier que son père le regarde toujours. Il vaut mieux pour lui qu’il concentre son attention partout sauf sur son père.

Les portes de la salle se ferment et il fait un signe de tête à Kaimana avant de tourner son attention sur le Pontife qui se lève. C’est mauvais signe. Il le sait plus que bien puisque Justice, la propre fille de son supérieur aimait faire la même chose quand elle s’énervait contre lui pour des broutilles. Il s’est toujours senti tout petit quand elle le faisait mais il la trouvait toujours incroyablement belle quand elle était en colère. Par contre, pour son père c’est effrayant. Si l’inquisiteur n’était pas seul dans la pièce, il pourrait croire que l’homme a finalement découvert qu’il avait eu une liaison avec sa fille. C’est pour dire à quel point son patron avait l’air de mauvaise humeur. Après ce n’est rien d’étonnant avec le fiasco d’hier, la confiance du peuple est au plus bas et même si les propos du Roi en Jaune ont été démenti, ils restent malgré tout dans la tête des gens, comme une graine qui n’attend plus qu’à germer pour semer la méfiance et la discorde. Malheureusement, ils allaient devoir prouver le contraire avec des actes et non des paroles. Mais pour ça, ils allaient devoir être prudents, les autres factions vont sans nul doute profiter de cet état de faiblesse du mieux qu’ils peuvent.

Le surplus de travail ne le dérange pas, ce n’est pas la première fois qu’il reste plus longtemps ici pour pouvoir terminer une enquête ou juste parce qu’il n'a rien d'autre à faire. Il est vrai qu’avec l’arrivée de Helga, il s’était un peu calmé, il travaillait toujours plus que la plupart mais il prenait le temps de rentrer pour au moins diner avec elle, même si parfois il ramenait du travail à la maison pour compenser. De plus, même si maintenant il sait que l’Ordre n’a rien fait contre son meilleur ami, il déteste toujours autant l’autre faction donc il serait plus que prêt à tout faire pour contrer chacune de leur attaque à leur encontre. Et un meilleur entraînement pour les soldats ne serait pas du luxe encore une fois. Il pense toujours qu’ils ont été bien trop lent à réagir et peut-être un peu trop faiblard aussi. Il est vrai que contrairement à l’Ordre, l’Eglise a beaucoup d'adeptes mais eux, ont la puissance qui vont avec. Ce n’est pas forcément une bonne chose d’avoir plus de soldats si ils ne sont même pas capable d’égratigner ne serait-ce qu’une personne.

Le Roi en Jaune est une autre affaire, le meilleur moyen de le punir serait de s’en prendre à son théâtre et Cyriacus n’est pas sur que ce soit une bonne idée. Toutefois, il peut malgré tout en parler au Pontife, il trouvera bien quelque chose à partir de ça. Il aimerait de préférence que ce ne soit pas à lui de s’occuper de ce monstre. Il aimerait pouvoir s’entraîner beaucoup plus avant de pouvoir lui faire face. Il n’est même pas sûr de pouvoir survivre cinq minutes face à lui. Il y a tellement de choses à faire pour qu’il s'améliore. Ça le frustre de se savoir aussi faible. Depuis quand est-ce qu’il est dans cet état ? Il ne s’est jamais senti aussi impuissant depuis la disparition de son ami d’enfance. Quel incapable, il est. Il pouvait sentir les ondes magnétiques s’affoler et il ferme les yeux se retenant de soupirer. Il a pris conscience de leur existence depuis l’arrivée d’Helga, quand il s’est retrouvé sans eux après qu’elle lui ait pris son pouvoir par inadvertance. Il n’avait jamais fait attention à une chose aussi trivial avant, bien sûr il pouvait sentir quand ses couteaux cherchaient à le tuer mais c’est plus par force d’habitude qu’autre chose. Maintenant, il peut prédire quand son petit problème d’aimant va survenir plus facilement et il cherche encore d’autres moyens d’utiliser les ondes en combat.

Il ouvre les yeux à nouveau alors qu’il peut déjà sentir un stylo se diriger vers lui. Il faut vraiment qu’il trouve un moyen pour contrer ça, c’est vraiment gênant. Le Pontife finit son discours et il se permet de remettre silencieusement sur la table le crayon et…un bouton de manchette ? avant de prendre la parole d’une voix calme et indifférente. “De la seule fois que j’ai rencontré le Roi en Jaune avant les évènements d’hier, je peux attester qu’il aime énormément son théâtre. Si jamais on doit faire quoi que ce soit contre lui, je pense qu’on aurait plus d’impact si on va dans cette voie-là. Par contre, je pense que ça peut être à double tranchant. Je pouvais le sentir observer le moindre de mes faits et gestes alors que je parlais à une de ses employés. Il était prêt à m'éliminer au moindre faux pas.” Il pouvait encore sentir son regard alors qu’il était caché à l’intérieur du théâtre. Il ne pense pas que l’être allait lui faire quoi que ce soit mais il a préféré prendre les devant en refusant d’y retourner avec sa mère. Elle n’était qu’une civil et il n’est pas sur que le Roi en Jaune soit faible face à une remontrance maternelle.

“En ce qui concerne l’article, puis-je suggérer d’en parler avec la dragonne ? Elle cherche depuis un moment à avoir un entretien avec l’un d’entre nous et ça nous permettrait de commencer à avoir une relation cordiale avec elle. Elle a été l’un des acteurs majeurs sur ce qui s’est produit hier, il y a de forte chance qu’elle attire l’attention des autres factions d’une manière ou d’une autre surtout qu’elle n’a pas hésité à frapper le Roi en Jaune. Il vaut mieux assurer nos arrières vis-à-vis d’elle.”

Et il se souvient encore du petit cratère qu’elle a créé au milieu de la salle en le protégeant d’une gardienne. Il n’est clairement pas de taille contre elle et il ne compte pas s’en faire un ennemi de si tôt. Bien qu’il ne pense pas qu’elle le deviendra à moins qu’on fasse vraiment quelque chose à son encontre. Elle semble après tout avoir beaucoup de fierté. De plus, étant journaliste, elle est la mieux à même de trouver les informations, la récolte d’information n’est pas personnellement son domaine, il est plus accès dans le sauvetage et la protection, c’est pourquoi, il ne pense pas être fait pour cette mission.

“Je peux m’occuper de renforcer nos protections,” reprit-il, bien qu’il pense mettre Argyrr sur les donjons puisqu’il ne peut toujours pas y aller par sécurité, “ J’aimerai pouvoir accentuer les entraînements aussi si possible. Nos hommes ont été bien trop lent à réagir hier et ils ont fini par se figer face à la journaliste. Ils ont besoin d’une remise à niveau, surtout si on doit faire face à l’Ordre.”

Et lui aussi à besoin de s’entraîner beaucoup plus, pour devenir encore plus fort. Et bien que ça lui coûte de le faire, il pense qu’il va devoir demander à son père de l’aider pour ça. Il a, après tout, été celui qui l’a formé durant son enfance. Il a déjà de l’expérience pour entraîner quelqu’un et avoir une personne plus puissante que lui pour s’entraîner n’est pas une mauvaise chose pour s’améliorer… Mais il n' est pas pour autant heureux d’avoir à passer plus de temps avec lui…