En plus, on peut même pas les toucher… ft. Mira | 23/08/2021 | TERMINE

Assise sur un lit, Ava resta un instant sans bouger, repensant à ce qu’il venait de se passer. Se réveiller dans un hôpital, ce n’était généralement pas bon. Les médecins étaient venus la voir, lui demandant son état, comment elle allait, se sentait. Mal, elle avait eu envie de répondre. à la place, elle était restée muette. Il y avait quelque chose qui la mettait mal à l’aise. Une désagréable sensation se logeait dans son estomac.

Non, ce n’était pas de la constipation.

On lui demanda son nom et elle resta bête. Elle n’en avait strictement aucune idée. Gros trou noir. Elle ne se souvenait pas de son nom. Son cœur se mit à battre rapidement et elle resta hébétée. De quoi se souvenait-elle exactement ? De pas grand-chose, au vu de tous les tests qu’on lui fit passer. D’où elle venait ? Pas d’ici, ça, c’était sûr. Qui était sa famille ? Elle ne savait plus. Comment était-elle arrivée ici ? Dans un avion, apparemment. Quel âge avait-elle ? ça non plus ne l’aidait pas beaucoup. Le verdict tomba, non sans surprise : amnésique.

Ava se recroquevilla sur elle et commença à voir tout le monde qui naviguait autour d’elle. Elle commençait à se sentir mal-à-l’aise, une impression d’étouffer la prenait et elle ne savait pas trop pourquoi. Elle était du genre à ne pas aimer la foule ?

Laissez-moi tranquille, hurlait-elle dans sa tête.

Une gentille femme s’approcha d’elle et lui tendit un sac avec un sourire, précisant que c’était tout ce qu’elle avait avec elle en arrivant ici. Ava, tentant de calmer sa crise de panique, prit le sac et l’ouvrit pour découvrir quelque chose de particulier à l’intérieur. Une console de jeux. Et ça, elle n’avait pas besoin de chercher pour comprendre ce que c’était. Voilà une chose qu’elle n’avait pas oubliée. Elle remarqua également un petit carnet mais elle était plutôt attirée par la console.

Elle voulait jouer. Se détendre, s’échapper.

Les médecins lui demandèrent s’il y avait quelque chose qui la faisait réagir dans le carnet. Ava le regarda. Avait-elle envie de le voir ? Elle soupira et l’ouvrit. Il était rempli de photos dont elle n’avait aucun souvenir. Des images de personnes qui lui étaient inconnues. Des gribouillis et des mots notés dans tous les sens, parfois des phrases… sans aucun sens. Elle secoua la tête. Non, tout ceci ne l’aidait pas. Le reste, la console, la manette, comment les utiliser, cette mémoire là était gravée. Pourquoi ? ça, par contre, ça ne lui revenait pas non plus.

Ava, soudain, eut très peur. Elle regarda un médecin, tentant de ne pas paniquer, et demanda dans un murmure : “Vous avez du courant ?”.

Le médecin la rassura en disant qu’ils avaient tout ce que son monde moderne avait, dans la mesure du possible. Elle était soulagée. Du sucre et jouer. Voilà l’envie soudaine qui la prenait. Un besoin qu’elle avait envie d’assouvir, et rapidement. Ses nerfs allaient lâcher. Elle allait pleurer ? Non. Hurler ? Oui, totalement. Elle allait s’énerver, tout jeter, tout casser. Péter un câble.

“Je peux partir ?”.

Le médecin hocha la tête : "L'Église Blanche va vous offrir une chambre le temps que vous vous trouviez un emploi et un endroit pour vous installer”.

Un emploi ? Elle regarda ses fringues un instant. Elle ne devait jamais avoir travaillé pour être habillée de cette manière. Enfin, elle n’en savait rien. Elle avait peut-être travaillé avant. Le seul problème, c’est qu’elle ne se souvenait de rien. Savait-elle faire quelque chose qui pourrait l’aider à trouver un travail ? Aucune idée. Son ventre se tordit de douleur. Elle se demandait si elle n’avait pas vomir. Avait-elle le droit de rire de cette situation ou pas ?

On ne lui en laissait pas le temps. Les médecins l’embarquaient et ils la firent sortir de l’hôpital pour retrouver un garde de l’église. Un prêtre ?

Ava haussa un sourcil. Elle avait sûrement mal compris parce qu’il avait l’air… rigide. Enfin, peut-être un prêtre après tout. Qu’importe. Ce qu'elle comprenait, c’est que, puisqu’elle pouvait marcher, elle devait sortir de l’hôpital parce qu’ils n’avaient pas le temps de s’occuper d’elle. Elle suivit le garde sans faire d’histoire et sans dire un mot.

Ava arriva devant un gigantesque bâtiment. Un château ? ça y ressemblait et tout ce qu’elle voyait autour d’elle lui semblait hors de portée. Certes, elle n’était pas grande, mais au sens figuratif, elle ne pouvait même pas espérer avoir une chance d’entrer dans un lieu pareil. Elle avait encore la notion d’argent et ça lui semblait extraordinaire. Elle continuait de suivre le garde et préféra garder les yeux au sol. Observer autour d’elle l’inquiétait. Elle avait l’impression de perdre la réalité. était-ce même possible ?

Finalement, le garde ouvrit une chambre, lui donna la clé et partit sans un mot. Elle entra et referma derrière elle pour trouver une chambre assez grande, le minimum nécessaire. Elle se posa sur le lit, fatiguée, et attendit un instant. Que faisait-elle maintenant ? On ne lui avait donné personne à qui s’adresser. Enfermé dans cette pièce, Ava ne savait pas quoi faire. Alors, elle s’allongea, et essaya de dormir. Tout le stress accumulé l’aida à s’endormir aussitôt.

Le lendemain, elle n’osa pas regarder l’heure. Elle alla prendre une douche et prit plaisir à la prendre chaude et longue. Elle se détendit et le stress n’eut pas l’air de pointer le bout de son nez. Elle se rhabilla avec le change qu’on lui avait donné et alla ouvrir la fenêtre. Elle regarda dehors et observa ce qui se passait dehors. Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas le vertige. Elle ne savait pas trop à quelle hauteur elle était, mais regarder les gens passer depuis le haut de sa “tour” lui donnait presque une impression de grandeur. Elle voyait le haut de leur crâne quoi.

Elle ferma la fenêtre et se donna du courage. Aller voir des gens. Elle traversa des couloirs et descendit. Elle trouva quelqu’un et se força à lui demander si elle pouvait s’adresser à quelqu’un. On lui indiqua un lieu et elle y alla rapidement. Elle demanda si elle pouvait laver ses vêtements et si on pouvait lui prêter un écran ou une télé. La personne face à elle fut très accueillante et on lui expliqua tout comme il faut.

Elle était rassurée. Elle n’était tombée sur personne de désagréable. Elle revint dans la chambre avec un écran et referma la porte derrière elle. Elle n’allait plus sortir maintenant.

Elle plaisantait à moitié.

Une fois tout installé, elle alluma la console et par miracle, rien n’était cassé. Les jeux semblaient aussi fonctionner. Elle soupira. Elle pouvait faire quelque chose dont elle se souvenait, et le sentiment de revivre lui fit un bien fou.

Elle lança un jeu qu’elle connaissait par cœur et joua toute la journée, battant des records et établissant des nouveaux. Elle était donc une pro sans même se souvenir pourquoi. Dommage qu’il n’y avait pas l’e-sport dans ce monde où elle pourrait peut-être envisager d’en faire son métier.

Alors que la nuit était déjà bien avancée, Ava, manette bien en main, s'apprêtait à faire une manipulation hasardeuse avec son personnage. Sauter au-dessus d’une falaise. C’était technique, et ça demandait de maîtriser le saut. Elle se concentra, poussa le stick vers l’avant et appuya sur la touche pour sauter au bon moment. Son personnage s’élança, courra et fit un bond en avant avant d'atterrir devant elle, près de son visage.

Ava se figea. Quoi ? Les yeux de son personnage s'agrandirent d’un air ahurie. Quoi ? Il ouvrit la bouche dans un “O” parfait. Quoi ? Ava pensait que c’était plutôt elle qui devrait afficher un air pareil.

Elle hurla et la manette vola dans les airs. Elle se cogna contre son lit et remarqua que son personnage s’était éloignée vers la télé de la même manière. Elle n’eut pas le temps de réfléchir plus que la manette lui tomba sur la tête.

Elle grogna de douleur et se massa le haut du crâne. En ouvrant les yeux, le personnage avait disparu et apparaissait dans son écran, en attente. Ava cligna des yeux. Qu’est-ce qu’il venait de se passer ? Son cœur battait la chamade et elle tentait de réfléchir. Tentait.

Un personnage qui surgit de son écran ? C’était possible dans ce monde ? Elle secoua la tête et éteignit tout. il était temps d’aller se coucher. Elle s'emmitoufla dans sa couette et tenta de se distraire pour s’endormir. Parcourir les forêts, tirer sur des ennemis, sauter des falaises, surgir de l’écran…

Ava sursauta. Non, elle n’allait pas s’endormir en pensant à ça. Elle préféra rester éveillée et changea de jeu. Si elle jouait à un autre jeu, peut-être que ça réglerait le problème. Elle préféra partir sur un jeu de tir. Défoncer des mobs extraterrestres imaginaires la détendait. Elle sentait qu’elle avait les yeux explosés de fatigue mais qu’importe. Aucun phénomène étrange n’était réapparu. Elle se décida finalement à dormir et réussit à plonger dans un sommeil profond sans mal.

Mais la nuit fut courte. Elle était trop inquiète. Elle repartit sur un jeu d’exploration et alla récolter des objets. Rien de compliqué. Elle bailla et se frotta un peu les yeux. Elle prit son verre à côté d’elle et se rendit compte qu’elle n’était pas seule. À côté d’elle était assis l’un de ses personnages, lisant un livre. Elle souria et but tranquillement.

Ne pas paniquer. Son personnage restait de marbre, lisant sans bouger. Comment une chose pareille était possible ? Le personnage semblait avoir un air hagard. Ava déglutit, peut-être devrait-elle essayer de lui parler ?

“Euh..”

Sa voix sortit rauque et elle en toussa. Son personnage toussa aussi. Elle fronça les sourcils. Hier aussi, son personnage avait un air ahuri. Et elle avait eu l’impression que c’était elle qui l’était.

“Euh..”

Le personnage se tourna vers elle et elle eut soudain comme un flash qui lui donna le tournie. Elle s’était vu comme dans un miroir. Ce moment de surprise suffit pour que le personnage disparaisse. Elle se frotta les yeux. Est-ce que c’était elle qui faisait ça ?

Elle était épuisée. Elle se décida à tout arrêter et alla se coucher. Elle dormit plus et son sommeil fut reposant et réparateur. Elle visualisa à nouveau les événements passés dans sa tête. Une expression étrange qui semblait plutôt lui correspondre. Des gestes qui semblaient être les siens. Le personnage qui la regarda et elle eut l’impression de regarder dans un miroir.

Le lendemain, elle joua à nouveau au jeu. Mais cette fois-ci, elle était dans l’attente. Est-ce que ça allait recommencer ? Elle jouait à un jeu de tir à la première personne. Rien ne vint. Elle s’étonna car la journée passa mais rien ne se produisit. Elle se coucha finalement après une bonne douche.

Le lendemain, elle repartit sur son jeu de plateforme et incarna un chat. Le chat apparut soudain sur sa télé et se mit à sauter sur le meuble, la fenêtre, au sol, puis recommença. Ok. Ava déglutit. Le chat semblait faire comme dans le jeu, mais hors du jeu. Hier, rien ne s'était produit cependant. Est-ce qu’elle devait voir le personnage pour qu’il apparaisse ?

Elle tenta un autre jeu : Persona. Le personnage finit par apparaître après quelques heures de jeu. Il restait près de la fenêtre à regarder dehors. Ava tenta de lui parler mais il ne disait rien. Alors, elle se leva et s’approcha de lui pour tenter de le toucher. Mais il apparut comme un hologramme. Sans matière. Elle s’éloigna et le regarda attentivement. Elle ferma les yeux par instinct et, étrangement, tout lui apparut clairement : les yeux du personnages étaient les siens.

Elle voyait ce qu’il se passait dehors et pourtant, elle avait fermé les yeux. Elle tenta quelque chose et éteignit le jeu. Le personnage disparut aussitôt. Est-ce que ça jouait si le jeu était éteint ?

Elle resta un instant à tourner dans sa chambre, essayant de trouver une explication. Un phénomène étrange… un pouvoir ou quelque chose du même genre ? Peut-être qu’elle rêvait ou qu’il n’y avait qu’elle qui pouvait les voir.

Elle ouvrit la fenêtre et regarda en bas. Est-ce que ça marchait avec des personnes réelles ? Elle tendit sa main discrètement et, dans un murmure, elle lança : “à moi spectre !”.

Rien ne se passa. Elle plissa des yeux. La lumière était trop forte, mais elle continua : “Fantôme, apparaît !”.

Peut-être qu’ils étaient vexés qu’elle les nomme ainsi ?

“Image ?”.

Rien.

“S’il te plaît jolie image, apparaît ?”.

Toujours rien. Elle se frotta les tempes. Elle soupira et souria doucement en ricanant. Elle était fatiguée. Elle ouvrit les yeux et regarda en bas. Elle vit alors passer un garde, plutôt canon. Ava sentit ses narines tressauter tandis qu’elle se languissait devant ce beau fessier. Et ces cheveux noirs, qu’est-ce qu’ils lui donnaient envie d’aller y passer sa main, comme avec les black et leur cheveux crépus qui la mettait…

Ava se stoppa et plaqua sa main devant sa bouche pour se retenir de crier. En bas de la fenêtre, tout en bas de cet espèce de château, venait d’apparaître une image… saugrenue. Il ressemblait au garde qui venait de passer, mais avec un fessier digne d’un dieu grec et une coupe de cheveux devenue afro. Qu’est-ce qu’il s’est passé pour qu’il ressemble à ça ?

Non, pensa Ava, c’est pas la bonne question. Comment j’ai fait pour qu’il apparaisse ?

Ava se rappela qu’elle l’avait observé, sous toutes les coutures, mais avait ensuite imaginé quelque chose de différent. Peut-être que ça jouait avec ses pensées. Même si celui qui venait d’apparaître en bas était loin du canon de beauté qui venait de passer.

Ava soupira et posa son menton sur ses bras croisés sur la fenêtre.

En plus, on peut même pas les toucher…  

Ava sursauta en entendant une voix hurler depuis le bas de la fenêtre. Son cœur battait fort et elle ouvrit de grands yeux globuleux en regardant en bas. Elle découvrit une femme pour le moins original. Elle lui faisait penser à feu jaillissant, prêt à tout dévorer sur son passage.

Le cheminement de ses pensées ne lui plaisait pas. Tout dévorer, même elle ?

Soudain, la furie débarqua devant elle. Comment avait-elle fait pour atteindre elle ne savait quel étage ? Elle était à quel étage déjà ?

Ce n’était pas le plus important ! L’énergumène força l’entrée de sa fenêtre et commença à déblatérer plein de truc. Elle lui posait plein de questions mais Ava n’entendait rien. Elle voulait se cacher, fuir, mais par où ? La furie était sur le chemin de la porte et derrière, il y avait la fenêtre. Trop haut pour sauter. Elle n’avait pas particulièrement le vertige - apparemment - mais elle était certaine que ça viendrait si elle se retrouvait pendu à celle-ci.

“Tu es toute seule ici ou tu as de la famille ?”

Son ton était plus doux, nota Ava. Elle regarda la furie et son regard lui apparut moins… effrayant… Non, en fait, ses yeux ressemblaient au même feu qui dansait sur ses épaules, mais un feu naissant, près à jaillir. Ava déglutit. Le bleu de ses yeux finalement n’était pas si dérangeant. était-ce des fentes qu’elle voyait ?

Ava, figée, resta un instant immobile. Finalement, elle trouva une seule solution à son problème. Elle se précipita et sauta sous le lit. Elle se cogna durement la tête contre le dessous de lit.

Owww... , marmonna-t-elle avec douleur.

Elle s’était prise pour quoi, un chat ? Un peu sonnée, elle continua quand même dans sa lancée et rampa en se débattant pour passer sous le lit. Son dos se cognait contre les lattes mais elle n’en démordait pas. Elle rampa, se retrouva bloquer à cause de ses fesses mais se débattit pour passer, puis elle continua jusqu’à rencontrer le mur. D’ici, elle se recroquevilla comme elle pouvait. Elle était couverte de poussière, et elle n’essayait même pas d’imaginer s’il y avait des toiles d’araignées. Elle eut des frissons d’horreur, avant d’éternuer violemment.

Ava se trouva stupide. Mais recroquevillée dans son coin, elle se sentit étrangement à l’aise. Comme si ce n’était pas la première fois qu’elle faisait ça. Un mal de tête commença à se pointer. Est-ce qu’elle avait un souvenir qui lui revenait ? Elle trembla un peu et le mal de tête s’intensifia. Elle ferma les yeux et se concentra. Qu’est-ce que ça lui rappelait ? La peur lui donnait mal au ventre, son cœur battait fort, elle entourait ses bras autour de son torse. Une position défensive. Qu’est-ce qu’on avait pu lui faire ? Est-ce qu’elle avait un passé sombre ? Pourtant, elle n’avait rien sur elle. Pas de bleu, pas de cicatrice, aucunes marques d’aucunes sortes. Alors, c’était plutôt psychologique ?

Ava se pinça très fort le nez à cause de la poussière rentrant dans ses narines qui venait la chatouiller désagréablement. L’envie d'éternuer était affreuse. Elle s’était un peu calmée en entendant la voix de la femme, qui était plus douce qu’elle ne l’aurait cru. Elle déglutit en sentant la femme se poser sur son lit mais elle tâcha de ne pas paniquer plus qu’il ne fallait. Avoir la tête froide. Elle nota que ça lui venait naturellement, sans effort… était-ce là encore un indice de sa vie oubliée ?

“ Désolé de t’avoir fait peur. On peut parler comme ça si tu veux.”

Elle voulait parler ? Ava ne savait pas trop mais elle avait comme la drôle d’impression que parler n’était pas son fort. Mais Ava se calma. Son cœur ne battait plus trop fort contre sa poitrine et elle respirait mieux. Enfin, du mieux qu’elle pouvait avec toute cette poussière. Mais quelle idée d’aller se cacher sous un lit quasi inaccessible !?

La dernière question de la femme la fit tiquer. Sans s’en rendre vraiment compte, les mots jaillirent.

Ici, il se passe rien.. c’est bien ça le problème…


Elle avait murmuré cette réponse presque automatiquement après avoir entendu la question. Elle se tut un instant, dans l’attente. Elle éternua violemment. Ce n’était peut-être pas une bonne idée de rester enfermée sous ce lit poussiéreux et plein de toiles d’araignées. Elle gigota un moment pour tenter de se retourner sur le dos. Elle se cogna l’épaule dans une latte qui la fit gémir. Mais qu’importe, elle se débattait avec sa propre bêtise.

Elle voulait dire à la femme ce qui lui faisait peur. Sans vraiment comprendre pourquoi, cette femme l’apasait. Elle faisait peur, mais elle ne semblait pas vouloir lui faire du mal. Même, elle semblait s’intéresser à elle. Peut-être pas à elle-même, mais à son état, son bien-être peut-être ? Une inconnue qui s’inquiétait pour une inconnue ?

Elle marmonna des “n’importe quoi” tout en ricanant à moitié. Elle voulait trouver ça ridicule. Pourquoi est-ce qu’elle voulait absolument que ça soit si improbable ? Comme si, au fait d’elle, une chose pareille n’était jamais arrivée. Cette femme, elle lui demandait si ça allait. Mais ça n’allait pas. Est-ce qu’elle lui dirait cependant ?

Et pourquoi pas après tout ? La femme n’avait pas l’air si menaçante. Elle continua sur sa lancée, malgré sa voix faible et un peu rauque.

Je suis arrivée dans cet endroit… bizarre… Je comprends pas ce qu’il se passe.

En continuant à parler, elle s’accrocha à tout ce qu’elle pouvait pour tenter de s’extirper hors du dessous de lit. Elle finit par se retrouver sur le dos, les cheveux à moitié dans les yeux et dans la bouche.

Une bonne douche. Voilà ce qu’elle voulait. Mais d’abord sortir de là.

Je sais plus qui je suis. Je me souviens même pas de mon nom. Et puis... il y a des images qui sortent de la télé depuis quelques jours. J’ai l’impression que c’est moi qui fait ça.

Elle commença à glisser tel un serpent gracieux, en tortillant du cul et roulant des épaules, se cognant le front contre la barre de fer qui tenait les lattes de lit au milieu. Elle avait les larmes aux yeux à cause de la douleur, mais continua.

Mais j’en ai parlé à personne. Les gens ici, ils font peur… plus peur que vous même.

Elle s'agrippa finalement aux lattes en tentant d’avancer plus vite jusqu’à réussir à s'agripper à deux barres à la sortie du lit. Elle tira dessus et réussit finalement à sortir la tête, se retrouvant entre les deux barres et respirant à plein poumon l’air en dehors du dessous de lit.

Elle soupira et regarda devant elle. Pour trouver la tête de la femme, juste au-dessus. Ce n’était pas du tout des barres, mais ses mollets. Aussi rigide que des barres. Son cœur manqua un battement et elle se força à ne pas hurler et lança juste un sourire crispé. Le regard de la femme, avec des fentes… Non, finalement, ça faisait peur. Elle se rendit compte qu’elle n’avait toujours pas lâcher ses mollets et décrocha ses mains instantanément, avant de se concentrer pour retenir l’envie soudaine de fuir à nouveau sous le lit.

Du courage ! Elle avait besoin de courage. Elle déglutit et commença à parler mais sa voix sortit très grave, trop rauque. Elle se racla la gorge avec entrain et se postillonna dessus par la même occasion. Elle fit la grimace en fermant les yeux. Se baver dessus maintenant, bien. De mieux en mieux... Elle s’essuya le visage avec le revers de sa manche, non sans lâcher un petit “berk” avant de reprendre.

Et vous, madame, vous… vous êtes quoi ? Parce que… enfin… vous avez volé jusqu’à la fenêtre non ?

Ava se souvint de la scène et étrangement, elle se sentait excitée. Elle avait volé. pour de vrai. Pas comme dans un jeux-vidéos, dans un écran. Elle avait volé pour de vrai, avec énergie. Elle avait été tellement cool, avec ses cheveux qui ressemblaient à des flammes ! Un feu.. du feu… Ava fit la grimace. Elle n’aimait pas le feu plus que ça finalement. Enfin, elle en avait l’impression. Pourquoi d’ailleurs ? Rien que de penser au feu, une sueur froide coulait le long de son dos. Quelque chose la mettait mal-à-l’aise, une désagréable impression que le feu lui avait fait vivre un événement qu’elle aurait préféré oublié. Enfin, d’ailleurs, c’était le cas. Elle l’avait complètement oublié.

En apparence du moins, puisque son inconscient semblait continuer de lui crier "ÉLOIGNE-TOI DU FEU BORDEEEL !!”

Ava resta muette. Le temps de capter un peu les mots qui étaient sortis de la bouche de cette femme. Pas humaine… Pas humaine ? Mais alors elle était quoi ?

Et de ce qu’elle disait, elle n’était pas la seule à ne pas l’être ? Et il y avait des humains qui avaient des pouvoirs ?

Donc elle avait acquis des pouvoirs. Et c’était à cause du fait qu’elle soit arrivée ici. Et apparemment, c’était pour réussir à vivre ici. Parce que, sans pouvoir, elle n’y arriverait pas ? Bizarrement, elle ne savait pas si elle aurait préféré rester ici ou rentrer chez elle… Cet endroit n’avait pas l’air moins dangereux.

Enfin, si tant est qu’elle arrive à se souvenir d’où est son “chez soi”. Son ventre se tordit d’angoisse. Elle se décida à sortir totalement de sous le lit. Elle se retrouva à quatre pattes et se releva tant bien que mal en se dépoussiérant. Elle se frotta les mains et préféra aller se les laver. En se regardant dans le petit miroir au-dessus de ce petit lavabo qui était disponible dans cette chambre, elle se vit. Pitoyable. Des cernes jusqu’en dessous des joues. Des yeux vitreux et des cheveux de paille couvert de poussière.

Elle prit le petit peigne qu’on lui avait donné, quelque chose qui avait été laissé dans les objets trouvés, et se démêla les cheveux. Elle entendit la question de la dame. Lui parler de cet endroit ?

C’est vrai. Arrivée ici, personne ne lui avait dit où elle était, ce qu’elle faisait là, qui était les personnes autour d’elle. Pourquoi on l’avait laissé venir ici ? Pourquoi était-elle restée dans ce monde bizarre ? Qu'est ce qui l'avait poussé à venir ici ?

Avait elle vraiment eu le choix ?

Pour quelle raison d'ailleurs elle en était venu à monter sur le navire ? Elle avait toujours ce sentiment au fond d'elle qu'elle fuyait, quelqu'un, quelque chose. Mais elle fuyait vers quelque chose. Ou quelqu'un.

Tant de question, et pas de réponse.

Elle voulait comprendre, mais tout était noir dans esprit. Elle avait des données inscrites dans sa mémoire qui ne lui servaient à rien. Jouer avec une manette, connaître les jeux par cœur, super… mais à quoi ça lui servait ? Ava ferma les yeux et se concentra. Si seulement elle pouvait se rappeler ne serait-ce que d'une image… quelque chose de sa vie d’avant. Quelque chose qui lui donnait un indice. Un son…. N'importe quoi.

Un sourire.

Elle ouvrit soudainement les yeux. Devant elle, sur le miroir, il y avait un sourire. Façon Alice aux pays des merveilles et ce chat creepy qui donnait des cauchemars. Ava recula vivement. Le sourire s'effaça doucement, comme s'il avait lui-même été surpris d'apparaître sur le miroir.

Ava se regarda étonnée. C'était vraiment elle qui faisait ça, faire apparaître ses drôles de choses. Comme des images. Comme des avatars d'un jeu vidéo, qu'elle pouvait personnaliser. Elle s'était rappelé ce sourire, un souvenir flou, une image quasi effacée, mais le sourire était bienveillant. Et il était apparu devant elle. Comme s’il avait réagi à ce qu’elle avait pensé. Elle se souvint de son carnet, de ses photos.

Elle récupéra son sac, près du petit écran, et l’ouvrit pour sortir le carnet. Ce carnet qu’elle avait laissé au fond, incapable de se souvenir de quoique ce soit, préférant se réfugier dans les jeux qu’elle connaissait, s’échapper de la réalité, oublier la réalité…

Elle observa les photos. Elle tournait les pages, doucement, une par une. Elle lisait les petits mots, les quelques notes, parfois des gribouillis. Son coeur se serrait toujours un peu plus. Rien… rien… Elle se prit la tête entre les mains. Réfléchi… réfléchi ! Elle avait vu ce sourire. Quelqu'un l'attendait. Elle tourna encore les pages, elle cherchait le sourire, sur toutes les photos de son carnet. Mais le désespoir commençait à la gagner. Son coeur lui faisait si mal.

Elle ferma le carnet. C’était sans espoir. Elle trembla. Elle aurait préféré que ça soit de froid. Elle rangea le carnet, doucement, en essayant de se calmer. Elle devait trouver quelque chose. Elle se recroquevilla et ferma les yeux à nouveau. Elle devait trouver. Elle réfléchissait, encore, et encore. Elle voyait… des ombres. Sur un mur, face à face, elle semblait…

Ava ouvrit les yeux et regarda sur le mur en face d'elle, où deux ombres étaient apparues, et elles agissaient comme dans son souvenir. Se pointant du doigt, leur mouvement semblait agressif, comme s'ils se disputaient. Était-ce… un souvenir ? Qu'elle voyait en face d'elle ?

Elle se leva d’un bond. Elle avait vraiment matérialisé les ombres qu’elle voyait dans son souvenir sur le mur. Elle pouvait aussi faire ça ? Matérialiser ses souvenirs sous forme d’avatar ?

Vous voyez ça ?

Sa voix lui parut rauque, elle était assoiffée. Mais elle n'eut pas le temps d'entendre la réponse de la femme de feu. Les ombres semblaient avoir une voix. Elle entendait comme des voix, hurler, crier. C'était dans sa tête, mais les ombres les criaient. Comme si elle voulait crier avec elle.

Vous entendez ?

Son cœur battait la chamade, une douleur inexplicable l'entraînait et les ombres grossissaient, elles criaient toujours plus fort, elles en venaient aux mains, la violence de leurs gestes étaient un peu plus perceptible. La dispute était de plus en plus violente. Et elle comprit.

Elle avait fui les disputes, qui ne cessaient jamais. Les disputes de qui ?

Les ombres grossissaient, elle s’étendait désormais sur le plafond, elle était oppressante, Ava avait peur. Trop peur. Elle ferma subitement les yeux. C'est un cauchemar, pensait-elle. Ce n'est pas réel. Elle était protégé. Elle le savait. Quelqu’un la protégeait. Quelqu’un l’avait toujours protégé.

Mais qui ?

En ouvrant les yeux, les ombres avaient disparu. Le bruit avait cessé. Son cœur battait si fort. Est-ce sa peur qui avait fait grossir les ombres ? Est-ce que ces sentiments jouaient sur eux ? Alors, tout ce qu’elle pourra matérialiser agira aussi avec ses sentiments. Elle déglutit.

Vous savez, oui, j'aimerais bien qu'on me dise ce que je fais là.

Elle sentait les larmes lui monter au yeux, sa voix trembla, et elle n'osait pas se tourner vers la femme. Elle ne savait pas son nom. Elle ne s’en souvenait plus. Comment pouvait-elle s’appeler, au juste ?

J'aimerais bien aussi retrouver mon nom. Je sais même pas comment m'appeler.

Elle pleura le plus silencieusement possible. C'était plus que de la peur. Elle avait l'impression d'oublier quelque chose de plus important encore que son propre nom. Elle oubliait quelqu'un. Mais qui ?

Ava se tendit lorsque la femme la prit dans ses bras. Elle n’avait pas eu de contact avec quelqu’un depuis… depuis un bail, en fait. Elle leva son nez pour observer le visage de la femme et voyait qu’elle lui souriait. Ces gestes étaient doux, son corps était chaud, et les larmes coulèrent davantage de ses yeux tandis qu’elle essayait de comprendre. Des factions, l’une qui protégeait, là où elle était ; l’autre, mauvaise. Qui détestait les humains jusqu’à les tuer. Pas par racisme, mysoginie ou religion un peu extrémiste. Non, parce qu’elle était humaine.

Les larmes coulaient désormais à flot mais la femme la berçait. Dans ses bras musclés, Ava se sentait protégée. Elle lui disait de fuir, de se cacher, si elle était en face du danger. Ava avait presque envie de rire. ça ne changerait pas beaucoup de ce qu’elle faisait déjà. Mais demander de l’aide ? à qui ? Qui, ici, était digne de confiance ? à part la grande et forte femme qui la tenait actuellement dans ses bras, la berçant comme un bébé…

Elle se fichait pas mal de faire l’enfant. Elle était à peine majeure, ça lui donnait une excuse, non ? Et elle avait la nette impression que ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas considérée comme une gamine en mal d’amour, qui a juste besoin d’un gros câlin. Elle se recroquevilla un peu plus dans les bras de la femme tandis qu’elle énonçait avec tristesse qu’elle aimerait bien avoir un nom. Après tout, personne ne l’avait appelé depuis qu’elle était arrivée ici. Parce qu’elle ne se souvenait pas de son nom. Et personne pour s’en rappeler.  

“Et bien, tu as l'air de pouvoir créer des avatars non ? Pourquoi ne pas t'appeler Ava en attendant de retrouver ton nom ?”

Ava se figea. Elle leva des yeux ahuris vers la femme qui lui souriait. Son sourire était un peu gauche mais qu’est-ce qu’il était réconfortant. Elle ne lui ferait pas de mal, elle. Et elle lui avait donné un nom.

“Ava…”.

Elle aimait bien comment ça sonnait. Ava comme Avatar. ça sonnait presque comme le nom d’une super héroïne. Elle pouffa de rire à cette idée. Elle était trèèèès loin de l’image d’une super-héroïne. La super-froussarde peut-être. Elle se rendit aussi compte que les larmes étaient passées. Elle sécha ses yeux avec sa manche et se redressa. Elle se retourna vers la femme, un peu intimidée, mais elle lui souria.

“Merci ! Vous savez pas ce que ça me fait de savoir que… que je peux m’appeler par quelque chose…”.

Ava entortilla ses doigts et souria davantage.

“Vous savez, vous dites que vous n'êtes pas humaine, mais vous êtes plus agréables que les humains ! En plus, vous m’avez tout raconté, alors que je poireaute ici et que personne ne venait me voir. ça fait du bien de parler à quelqu’un d’autre que les personnages de mes jeux vidéos”.

Ava se tut un instant. Elle avait des questions. Beaucoup de questions.

“Je ne sais pas trop quoi penser sur le fait de ne pas pouvoir repartir. J’ai oublié même pourquoi je suis arrivée là alors… Mais cette histoire d’ordre de je ne sais plus quoi, ça… ça me fait peur”.

Elle se mordilla la lèvre inférieure en regardant autour d’elle, inquiète. Elle reposa ses yeux sur la femme, et elle se sentait rassurée rien qu’en la voyant. Elle avait une sorte d’aura autour d’elle qui la rassurait, comme si rien ne pourrait l’atteindre tant qu’elle serait à côté d’elle.

Ava tendit alors sa main à la femme et elle lui dit d’une petite voix timide.

“Je… je suis Ava. Enchantée”.

Quand Ava lui dit qu’elle était plus agréable, elle pensait que la femme le prendrait bien, mais vu le reniflement dédaigneux qu’elle lui lança, ce n’était peut-être pas un compliment aux yeux de la grande. Mais elle n’eut pas l’air de s’en faire plus que ça lorsqu’elle répondit à Ava, avec sérieux. Tant qu’elle ne se faisait pas remarquer, elle serait en sécurité. Bien, une bonne chose à savoir. L’espoir pour elle de rester cloîtrer dans sa piaule à jamais était donc possible. Peut-être même qu’elle pourrait rester ici, dans cette chambre de l’église blanche, et ne jamais en sortir ?

La dame attrapa alors sa main tandis qu’elle se présentait.

“Je suis Mira. Enchantée aussi petite.”

Ava sentit sa main chaude lorsqu’elle l’attrapa avec douceur. Ava souria mais n’eut pas le temps d’en dire plus. La dame sembla entendre quelque chose et lui dit qu’elle devait partir. Elle fouilla dans ses poches à la recherche de quelque chose, et en sortit une carte qu’elle lui tendit. En la regardant, Ava pouvait voir son nom, Mira, et sa profession. Elle était journaliste, et elle y voyait son numéro. Ava la serra un peu plus dans ses mains, elle ne voulait surtout pas la perdre.

"Appelle-moi en cas de besoin, Ava. Je volerai jusqu’à toi.”

En cas de besoin. Mira lui souria et Ava tremblait tellement elle voulait pleurer. Mais elle se retenait. Parce qu’elle était pleine de joie. Elle n’avait pas à avoir peur. Mira respirait la force et la confiance, elle n’avait peur de rien. Quoiqu’il se passe, elle pourra l’aider si elle en a vraiment besoin.

Et puis, quoi, elle peut voler ? C’est vraiment trop cool ! Mais déjà Mira s’avançait vers la fenêtre, s'apprêtant à quitter sa petite chambre. Ava voulait lui demander ce qu’elle était au juste, si elle n’était pas humaine. Savoir à quoi elle ressemblait, derrière ses traits semblable à un humain. Mais Mira partait, et elle n’avait pas beaucoup de temps. Elle n’avait le temps de lui dire qu’une seule chose. Ava n’hésita pas plus.

Merci Mira !

Ava lui sourit et regarda Mira sauter par la fenêtre avec agilité. Elle est vraiment géniale, pensa-t-elle.