recette pour un appât réussi - pv Ruby Myers | 30/01/2022

Au départ, j’avais cru cette histoire trop irréaliste pour y croire. Mais maintenant que je faisais face au lieu, il n’y avait plus de doute. Même sur île soit-disant protectrice, un bidonville existait. Des âmes en peine qui erraient sans possibilité de s’échapper pour trouver un meilleur lendemain. Et cette île était supposée être rassurante ?

Helga avait toujours eu des mots parfois durs, et que tu sois un gosse ou un adulte ne changeait en rien : si tu avais fait une faute, tu allais la reconnaître, que tu le veuilles ou non. C’était ça, prendre ses responsabilités. J’aimais bien ce côté de Helga, et souvent, je m’en inspirait dans certaines plaidoiries qui traînaient trop en longueur à cause de certains lâches qui trainaient autour de moi.

C’est pourquoi, dès que j’entendis de la bouche d’Helga que “sa gamine avait encore fait le mur”, ça m’avait fait tiquer. J’avais ainsi appris que c’était une enfant de 13 ans, qui se prenait pour plus grande qu’elle ne devait l’être, et qui avait vécu comme chef de gang dès son plus jeune âge ! Et ça, ça m’avait coupé le sifflet aussi sec. Une gamine de 13 ans chef de gang ? Je veux dire, ma petite Marie avait le même âge, et elle jouait encore à la poupée !

En m’avançant dans le bidonville, je ne pus cacher une grimace. C’est que l’odeur ici était loin d’être des plus agréables. Mais l’appât était prêt. J’avais enfilé le plus beau costume qu’on put me prêter et avait remonté légèrement ma manche pour bien mettre à la vue de tous ma montre en or blanc, dont l’intérieur était parsemé de quelques diamants. Rien de mieux pour attirer l'œil d’un pickpocket. L’idée était d’attirer la gamine, qui semblait très encline à piquer tout ce qu’elle pouvait, en s’affichant avec une montre hors de prix dans un milieu clairement pas du sien. Le costume en plus devait me donner des airs de gros riches - ce qui était à moitié faux - et lui donner envie de s’approcher. L’avantage que j’avais à côté d’Helga, c’était que l’enfant ne savait pas qui j’étais. Et c’était aussi mon gros désavantage, puisque moi-même n’avait aucune idée de l’apparence de la fille.

Qu’est-ce que j’avais pu être énervé quand je sus que cette petite fille n’avait rien connu d'autre que la violence depuis son plus jeune âge. Il paraissait qu’elle était pleine d’insécurité mais qu’elle le cachait derrière une façade. Pas étonnant… D’autant que, dès qu’elle fuguait, dans l’espoir de fuir un environnement… dont elle n’était pas habituée, elle retournait au source : dans la pauvreté et les quartiers malfamés. Ce qui est sûr, c’est que si je trouve cette petite, elle n’y restera plus longtemps ! C’est que j’étais plutôt bon père quand je le voulais…

Cette dernière pensée me brisa le coeur et j’étais incapable de déglutir tellement ma gorge me serra. Quelle blague franchement ! Laisser Marie derrière moi pour retrouver ma sœur et me retrouver dans un lieu sans jamais avoir l’espoir de la retrouver. Quel super père je faisais, en effet ! Je serrais le point et soufflais un bon coup. Je sentais bien que j’étais en colère contre moi-même, mais si je voulais me montrer un tant soit peu “approchable”, il fallait que j’arbore un visage avenant. Et pas froncer les sourcils en serrant les dents à la mode Helga. Je n’allais pas attirer grand monde comme ça.

Aussi, je me détendais comme je pouvais, et tentais de paraître comme un touriste, ou quelqu’un qui cherchait quelque chose sans trop savoir quoi - ce qui, pour le coup, était vrai. J’avançais dans les rues, en observant de manière mi curieuse ce qui se passait autour de moi, donnant l’impression que je ne savais pas vraiment ce que je faisais là. Et de temps à autre, quand je voyais quelqu’un d’à peu près approchable, je m’arrêtais pour demander des choses tout sauf intéressantes. Tout ce que j’espérais, c’était me faire remarquer et surtout, faire remarquer à tout le monde la jolie montre que j’avais au poignet.

Au moment où j’allais abandonner, je sentais quelque chose passer à côté de moi. Seulement, je ne vis pas grand chose, et une voix résonna alors dans ma tête. Sans trop comprendre, je me retournais pour essayer de comprendre. Une voix dans ma tête ? Je commençais à perdre la tête, c’est ça ?

Mais en réfléchissant un peu plus, je compris les paroles dites et regardait mon poignet. Plus de montre. Mon plan aurait-il été un succès ? Je levais les yeux pour voir une petite blonde, de dos, jeter quelque chose. Par réflexe, j'ai réussi à rattraper l’objet volant et je retrouvais ainsi dans ma main ma montre. J’haussais un sourcil et regardais à nouveau la gamine. « Tu dois être Ruby, si je ne m’abuse ? ».

Je n’attendais pas plus et je commençais à la suivre. En l’observant un peu plus, je pouvais la voir, sa chaîne qui brillait d’une lueur kaki foncée autour d’elle. Un mélange de vert et peut-être de noir, dans ce cas. Le vert pourrait dire qu’elle était pleine d’espoir, chanceuse, mais j’avais dû mal à y croire quand je la voyais dans un quartier telle que ce bidonville. Alors, peut-être qu’elle était éprise de liberté ? Une enfant comme elle avait sans doute l’envie de vivre… Alors, le noir ne devrait pas représenté des envies de… mort, mais plutôt de la peur.

Que ce pouvoir pouvait être incroyablement désagréable à décrypter. Il était aussi possible que je sois à côté de la plaque, totalement. Mais j'ai décidé de partir sur cette idée. Cette enfant était libre mais elle avait peur. Ce qui était normal, qui ne serait pas inquiet en arrivant sur une île où les monstres vivaient, et de laquelle tu n’étais pas sûr de partir ?

« C’est toi que je cherchais, et il a bien fallu que je trouve un moyen de me faire remarquer par toi, aussi évident et peu discret que je l’étais ! »

J’arrivais à sa hauteur et je ne pus m’empêcher d’avoir un pincement au cœur. C’était vraiment une gamine, de l’âge de ma fille. Et ça me torturait encore plus. Tous les souvenirs qui jaillissaient de ma petite, et de cette petite qui trainait dans des quartiers misérables qui n'étaient pas pour elle. « Enfin », repris-je en me raclant la gorge, essayant de ne pas me laisser submerger plus que ça par mes émotions, « maintenant que tu es là, pourquoi ne pas venir avec moi, ailleurs qu’ici, Ruby ? Je crois que tu connais déjà ma sœur, Helga. Je suis sûr que ça lui ferait plaisir de te revoir ».

La petite sembla se braquer quand je lui disais son nom, à raison. Elle ne me connaissait pas et elle avait bien raison d’être méfiante puisque je lui avais littéralement tendu un traquenard ! Je m’étonnais même d’avoir pu penser à une idée aussi farfelue pour la rencontrer. Depuis notre dernière “victoire”, je n’avais plus de scrupule à user de moyens peu recommandables pour arriver à mes fins… Ce n’était pas vraiment une bonne chose.

Bien sûr, quand je proposais à Ruby de me suivre, elle se braqua. Elle avait au moins l’intelligence de ne pas suivre le premier venu et surtout inconnu. Heureusement pour moi, quand je mentionnais le nom de Helga, elle sembla se détendre - et se braquer en même temps, mais elle réagit au quart de tour. Elle pivota d’un seul coup vers moi pour me sortir, semble-t-il assez surprise : “T'es pas censé être dans le vrai monde toi ? T'es un flic aussi ? Vous allez me passer un savon à deux ?”.

Je notais donc que, de une, Helga lui avait parlé de sa famille, et de moi. De deux, Helga lui avait passé un savon. Pas étonnant quand je voyais le petit être devant moi désormais, et surtout la manière dont elle parlait. Elle avait bien besoin de se faire remonter les bretelles, pas de gros mots dans la bouche d’une petite fille ! Après tout, à son âge, elle n’était pas sensé penser comme une adulte, très loin d’agir comme un adulte même.

Passer un savon, non. Mais te demander de quitter ce bidonville et revenir chez Helga pour au moins avoir un environnement un peu plus sain pour t’accueillir, oui.

Je remettais ma montre à mon poignet et soupirais en me passant une main dans les cheveux.

C’est qu’en apprenant qu’une petite de 12 ans se la jouait cheffe de gang, j’ai eu dû mal à en croire mes oreilles ! Tu as l’âge de ma fille et tu traines ici ? Je ne l’accepte pas. Que tu le veuilles ou non, d’ailleurs. C’est le rôle des adultes de préserver les enfants un maximum, qu’ils puissent découvrir le monde d’un regard neuf et innocent, parce que ça ne dure pas longtemps de toute manière.

J’étudiais le visage de la petite devant moi et je secouais légèrement la tête. Son regard était trop dur, trop méfiant. Elle se cachait derrière un masque, comme une adulte. Mais les enfants ne devraient pas le porter, ce masque. C’était le rôle des parents, sinon, ceux-là étaient vraiment des poubelles humaines.

Même si la vie ne t’a pas fait de cadeau… Commençais-je doucement, essaie de faire l’enfant une fois dans ta vie.

Je ne sais pas trop comment je m’y suis pris, mais j’ai pu faire rire la petite. Apparemment, j’avais dit une belle connerie, et elle me le fit vite remarquer.

- Attends, Attends ! Georges, c'est ça ? Qui est-ce qui t'as raconté cette connerie ? Moi cheffe de gang ? Il y a vraiment des gens qui croient ce genre de choses ?

En la voyant pleurer de rire, je sentis le rouge me monter aux joues et j’essayais tant bien que mal de reprendre contenance. Elle se payait bien ma tête et à raison. Après tout, moi-même j’avais trouvé cette histoire un peu grosse, mais j’avais mis les pieds dans les plats directement en y croyant dur comme fer. Je me raclais la gorge : “Alors, de une, je ne suis pas Georges mais Nigel. Georges, c’est mon petit frère et celui de Helga. De deux, je trouvais cette histoire un peu surprenante mais après avoir atterri dans une île avec de la véritable magie, je me suis dit que c’était peut-être la chose la moins originale que j’ai pu entendre”.

Ruby sembla cependant vite se fermer à mes dernières paroles. Peut-être n’aurais-je pas dû dire ça ? Je n’avais pas toujours beaucoup de tact, mais j’essayais au mieux de ne vexer personne. Semble-t-il, c’était raté avec elle. Je continuais à la suivre malgré tout et réfléchissais à ce que je pourrais bien dire.

“Je ne voulais pas te faire remonter de mauvais souvenirs, Ruby”. Je ne savais même pas vraiment ce que tu avais pu vivre. Rien que d’essayer d’imaginer me serrait le cœur. “Je ne sais pas trop ton histoire Ruby, et je n’ai pas forcément besoin de la savoir non plus, ça ne me regarde pas… Je voudrais juste t’éviter de rester là, sans être sûr d’avoir de l’eau potable et de la bonne nourriture. C’est au minimum la seule chose qu’on est sûr de pouvoir t’offrir, Helga et moi”.

Je regardais Ruby en espérant ne pas trop la secouer, ni la forcer. Je ne souhaitais pas la faire fuir, mais plutôt lui donner confiance. Elle devait apprendre à me faire confiance, m’accepter, et ensuite, je pourrais mieux veiller sur elle. Mais comment gagner la confiance d’une petite comme elle ? Indépendante et méfiante ?

Je soupirais et passais ma main dans mes cheveux dans un geste machinal. Je me rappelais ce qu’elle m’avait dit tout à l’heure, méfiante envers les “flics” comme elle avait dire. Sans trop réfléchir plus à ça, je lui dis tranquillement : “Au fait Ruby, je ne suis pas flic mais avocat”.

Je regardais la petite et ajoutais : “Je ne suis pas toujours très fan des flics non plus, c’est rare d’en trouver des biens”.

J’avais des doutes sur le fait qu’elle se nourrisse bien. Elle était petite et maigre, et une enfant de son âge avait besoin de beaucoup se nourrir. Aussi, si elle arrivait à manger, c’était sans doute en volant ou autres choses… Et ça, ça ne me plaisait pas non plus.

- Et puis admettons que je te suive, il se passe quoi ensuite ? On retrouve Helga et puis on joue à la petite famille heureuse ?

Je soupirais en entendant ces mots de la bouche de Ruby. Elle avait dit cela avec un tel dédain, comme si elle ne pouvait même pas l’envisager ! Elle se mit même à me dire que je serais heureux de voir une petite comme elle derrière les barreaux ! J’avais envie de lui dire qu’on pouvait aussi tout faire pour sauver quelqu’un. Un avocat pouvait aussi travailler par principe, plus que pour l’argent. C’était mon cas, au point que j’avais fait des choses loin d’être dans la légalité.

Mais le résultat avait été là. Je regardais Ruby un instant et lui dit : “Et pourquoi ne pas essayer ? Tu ne voudrais pas voir ce que ça fait de vivre normalement ? D’avoir un toit sous lequel te réfugier quand ça ne va pas, de te laisser aller dans un bain chaud sans avoir à réfléchir à ce que tu vas manger le soir avant de te coucher, dans un lit lui aussi bien chaud et douillet ?”.

Commençant à sentir la frustration me gagner, je sortais une cigarette de ma poche et l’alluma pour prendre une grande bouffée. C’était l’une des rares choses dont je ne pouvais plus me passer. Helga non plus, d’ailleurs. Mais qu’importe, c’était également la seule chose qui venait nous soulager, et vu la merde qui était notre vie, on avait bien besoin de ce réconfort. D’autant que je n’avais jamais fumé devant ma fille.

Je baissais les yeux sur Ruby et soupirais à nouveau : “On a tous nos défauts, mais une gamine derrière les barreaux, c’est la dernière chose que je veux. Vois cette île comme une chance…”. Je ne pouvais pas croire que je sortais une connerie pareille. Cette île était une prison. “On est tous enfermé ici, alors tu vois, on est tous derrière des barreaux. Alors, plus besoin de faire semblant !”. Je laissais quelques cendres tomber et regardais Ruby. Que vas-tu choisir ? Continuer comme tu faisais avant ? Ou prendre cette nouvelle chance, et voir le monde autrement ?

Je n’étais pas trop sûr au début de ce que je lui disais. Je lui parlais comme si j’avais parlé à ma propre fille, des mots pour la rassurer et les choisir pour tenter de trouver également la source du problème. Je ne connaissais pas assez bien Ruby pour espérer avoir les mots justes mais j’avais l’espoir qu’au moins, je réussisse à la faire s’arrêter.

Lorsque je vis cette petite s’agenouiller et enfouir son visage dans ses bras, je compris que j’avais touché le point sensible. Je m’arrêtais et me sentis soudainement hésitant. Avais-je le droit de proposer la sécurité à cette enfant alors que moi-même n’était pas trop sûr de ce qu’il se passait sur cette île ? Il y avait des forces qui se jouaient ici, et elle dépassait mon imagination. Que des dieux soient ici ne m’étonneraient même plus à ce compte. Après tout, qui d’autres qu’un Dieu serait capable de créer un endroit pareil !

Quand j’entendis la voix étrangler par les sanglots de Ruby, je compris qu’elle laissait enfin la barrière tomber. Je m'agenouillai à côté d’elle et la regardais sans un mot. Elle se laissait enfin aller à ses larmes. Une enfant avait besoin de pleurer, pour calmer les nerfs. Elle arrivait dans une période où tout deviendrait compliqué, l’adolescence était après tout le moment où les humeurs étaient les plus sensibles.

En voyant Ruby incapable de se calmer, pleurant toutes les larmes de son corps, je me décidais de faire comme avec ma fille : la réconforter à dose de gros câlins. Je la pris doucement contre moi, entourant ses petites épaules et allais poser ma tête sur la sienne. Je la serrais juste ce qu’il fallait, sans pour autant l’écraser. Un peu de chaleur en réconfort. Avec de petits cercles, je frottais gentiment son dos pour essayer de l’apaiser. Je restais un instant agenouillé à ses côtés, la serrant contre moi et frottant doucement son dos.

En jetant un œil autour de moi, je remerciais la gentillesse des personnes autour de ne pas trop regarder. Comme si l’affluence de sentiment qui se dégageait de l’enfant les faisait fuir, les rendant impuissant ou incapable de savoir comment agir. Je ne leur en voulais pas. Avant d’avoir eu ma fille, jamais je ne me serais cru capable de prendre une enfant dans mes bras. Encore moins une enfant qui pleure.

Je soupirais doucement et je tapotais le dos de Ruby en murmurant : “Pleure Ruby, je suis là, ne t’en fait pas”.

Ruby s’écarta de moi en reprenant son air effarouché. Je la comparais à peu à un chat, qui essaie de faire le méchant mais avec une bouille trop mignonne qu’il est difficile d’y résister. Mais ça, je devrais sans doute le garder pour moi, sinon elle se fâcherait encore plus. Cependant, je hochais la tête lorsque Ruby me parlait sérieusement de me faire regretter toute trahison. Elle avait raison.

Jamais je ne donnerais de faux espoirs à une enfant. En tout cas, pas consciemment… Et vu qu’ici, je ne peux aller nulle part…

Je souriais tristement, sentant un poids énorme me tomber sur les épaules alors que mon esprit dérivait à nouveau vers ma petite fille. Elle grandira sans moi, en pensant que je l’avais abandonné. Qui me disait que le temps, ici, ne passait pas plus doucement, et qu’elle était déjà une grande fille à l’heure qu’il est ? Je secouais légèrement la tête pour tenter de changer le fil de mes pensées.

Ne part pas sur cette pente, Nigel, ou tu vas encore te laisser sombrer. Mais à peine voulais-je me changer les idées que Ruby le fit pour moi. “Ah encore une chose, si tu dis à Helga que j'ai chialé... je te tue.” Ces paroles si spontanée me firent exploser de rire et ça faisait du bien. Récemment, j’étais plutôt en colère ou triste, alors ce petit coup d’amusement était bienvenue.

D’autant que c’était au dépend de ma très chère petite soeur, dont le caractère avait déjà bien été repéré par la petite chipeuse devant moi.

N’ai crainte, ça sera notre petit secret à tous les deux.

Je regardais l’heure un instant sur ma - non volée - montre. En voyant l’heure du midi, une idée me vint pour briser le mur de la méfiance chez la petite et, du moins, lui offrir un minimum de réconfort. Je souriais gentiment et demandais : “Dis-moi, veux-tu manger un morceau ? C’est moi qui offre”.  

Je me sentis un peu mal d’avoir ri lorsque Ruby sembla s’en vexer. Et vu sa petite phrase, ce n’était pas qu’une supposition. Mon sourire s’effaça un peu et je murmurais : “Désolé”. Je ne voulais pas paraître désagréable, vraiment. Elle était juste mignonne, même si ce n’était sans doute pas ce par quoi elle aimerait être décrite. Cette gamine voulait paraître forte, alors j’allais faire en sorte de lui montrer qu’elle l’était.

Malgré tout, ma proposition de lui offrir un repas sembla l’intéresser, surtout si c’est moi qui payait. Brave petite, elle ne perdait pas le nord. Elle avait un côté très “Helga” qui me faisait fondre de l’intérieur. J’avais l’impression de retrouver ma petite sœur. Jamais à manquer une bonne affaire. Même si Helga ne savait pas cuisiner, pas du tout. Je me repris vite, me sentant encore dérivé vers trop de pensée.

Je te propose d’éviter la galerie marchande, j’ai le préssentiment que ce n’est pas le meilleur endroit pour toi, pour l’instant du moins. J’ai repéré un petit restaurant, pas le coin sur la colline parce que ce truc est un véritable espace VIP, obligé de réserver bien en avance pour espérer avoir une place. C’est un restaurant qui fait de la cuisine asiatique, tu aimes ça ? Si jamais, il y en a d’autres de tout type, si tu préfères autre chose. Pour ma part, je ne suis pas difficile, tout fera l’affaire tant que c’est mangeable.

Sur ces mots, j’invitais Ruby à me suivre et nous parcourions le bidonville jusqu’à enfin retrouver un semblant de “normalité”. Car la situation de tous ces gens était loin d’être normale, sans accès à de l’eau potable et de quoi se réchauffer, c’était déplorable. Je secouais la tête et me dirigeais vers le quartier contemporain en compagnie de la petite Ruby.